L’insistance lourde avec laquelle Enedis talonne la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) pour qu’elle prenne des délibérations obligeant les personnes refusant la pose du compteur Linky est bizarre, voire inquiétante pour Enedis, en ce qui concerne son programme
Après avoir abreuvé les « réfractaires » – c’est ainsi que par facilité de rédaction je vais baptiser les personnes refusant la pose du compteur Linky – de lettres leur annonçant des demains douloureux, de les avoir rendu responsables auprès de la CRE des retards dans le déploiement de son programme Linky comme de ne pas obtenir sa prétendue rentabilité grâce à la suppression du coût de la relève à pied, Enedis a obtenu de la CRE que les « réfractaires » fassent le relevé des index de leurs consommations sur le site d’Enedis [1].
Mais dernièrement Enedis ameute tout un pan du monde médiatique en assurant que la CRE a décidé de taxer les « réfractaires »[2] et France 3 cite le cas d’un Toulousain ayant reçu une lettre d’Enedis lui indiquant que la délibération 2022-82 du 17 mars 2022 de la CRE obligeait, à partir de 2025, les « réfractaires » à subir une taxe complémentaire au titre du traitement tarifaire de la relève résiduelle.
L’analyse de la délibération en question montre que la décision qui y est prise en page 14 confirme que :
Au sein de la zone de desserte exclusive concédée à Enedis, lorsqu’un utilisateur raccordé au domaine BT ≤ 36 kVA [c’est en général notre cas] n’est pas équipé d’un compteur évolué et n’a pas mis à disposition d’index de consommation à Enedis depuis plus de 12 mois, à partir du 1 er janvier 2022, une composante supplémentaire au titre du traitement tarifaire de la relève résiduelle lui est appliquée à partir du mois suivant ce délai de 12 mois, tous les deux mois, jusqu’à l’installation d’un compteur évolué.
Donc, jusqu’aux prochaines tentatives d’Enedis, les « réfractaires » pourront donc continuer à transmettre le relevé de leurs index de consommation sur le site d’Enedis sans être « taxés ».
Il est à prévoir qu’au titre de la définition de la septième édition du Turpe (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité), qui a pour but, en particulier, de prendre en compte l’augmentation de la part de production, par les particuliers, d’électricité d’origine solaire, Enedis revienne à la charge auprès de la CRE pour culpabiliser encore plus les « réfractaires ».
Mais Enedis doit faire face à d’autres impératifs car la Commission européenne, au titre de sa directive sur l’efficacité énergétique [3] insiste pour que le principe de primauté de cette efficacité énergétique aux niveaux national, régional, local et sectoriel produise ses effets dans l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050.
A ce titre, Enedis, dans le domaine de l’électricité, doit participer à la collecte relative fine d’informations permettant aux décideurs concernés de participer à cette efficacité énergétique, et au titre du programme Linky, doit certainement procéder à des adaptations de ses Linky.
Les premières concernent les aménagements de son compteur Linky pour se conformer aux objectifs qui étaient annoncés.
Rappelons que les premiers Linky qui ont été installés, baptisés Linky de niveau 0, n’étaient pas forcément reconnus par le système d’information d’Enedis.
Les Linky de niveau 1 sont reconnus par ce système d’information et transmettent les relèves de compteur de manière quotidienne. Mais ils ne disposent pas de tout l’ensemble des services.
Les Linky de niveau 2 disposent de l’ensemble des services, en particulier l’abonnement à la fonction « courbe de charge » qui permet de programmer la mise en veille de certaines consommations électriques, selon le réseau de distribution électrique au sein de l’immeuble ou de l’habitation.
Cette courbe de charge est particulièrement intéressante pour les Collectivités et les fournisseurs d’électricité de manière à réguler la puissance mise à disposition à leurs clients et surtout de pratiquer des effacements de consommation lorsque ces fournisseurs d’électricité le décident.
Les secondes adaptations concernent les concentrateurs Linky.
Le schéma suivant rappel le fonctionnement du système Linky.
Les différents Linky d’une zone transmettent, par CPL[4], leurs informations à un concentrateur Linky, généralement situé dans un poste de distribution/transformation, concentrateur qui transmet, à son tour, en téléphonie mobile, les informations aux systèmes d’information d’Enedis et aux fournisseurs d’électricité. Il s’agissait jusqu’à présent de téléphonie mobile 2G voire 3G.
Mais des adaptations de ces concentrateurs sont en cours pour les adapter à la 5G.
Localisés dans les colonnes électriques des appartements et immeubles en zone urbaine, ces concentrateurs sont installés d’une manière aléatoire sur différents supports et pylônes en zone rurale où la 5G n’est pas forcément disponible.
Nous verrons l’impact de cette 5G dans les habitations, car n’oublions pas qu’au titre des champs électromagnétiques créés par les courant CPL des compteurs Linky Enedis a été trainé devant les tribunaux et a dû cesser d’utiliser son CPL[5].
De toutes ces adaptations et évolutions il n’est pas sûr qu’Enedis en ait été totalement conscient lors du lancement de son programme, il y a une dizaine d’années.
Mais la chasse aux « réfractaires » est-elle, dans une échelle d’importance, du même ordre de grandeur que celle des nécessaires adaptations de son programme Linky, sur les compteurs et concentrateurs, afin de satisfaire les obligations de la directive européenne concernant l’efficacité énergétique qui, nous l’avons entendu durant l’hiver précédent, risque de consister à réduire nos disponibilités énergétiques ?
[1] Linky – prêter attention aux modalités de relevés de compteur https://www.cade-environnement.org/2022/12/19/linky-preter-attention-aux-modalites-de-releves-de-compteur/
[2] https://www.epochtimes.fr/foyers-non-equipes-du-compteur-linky-une-facturation-prevue-en-2025-pour-ceux-qui-refusent-son-installation-2712790.html
[3] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32023L1791
[4] Les fréquences du CPL ont déjà évolué de G1 (63.3 et 74 KHz) à G3 (90 KHz) pour permettre de transmettre avec une meilleure fiabilité des volumes plus importants
[5] voir § 2.4 de l’article « Enfin un Carton Rouge bien mérité pour ENEDIS et son compteur communicant ! » https://www.cade-environnement.org/2024/06/03/enfin-un-carton-rouge-bien-merite-pour-enedis-et-son-compteur-communicant/