Nucléaire – une brève hilarante sur l’EPR, des problèmes en sous-traitance, un appel de scientifiques…

 

  • Commençons l’actualité du nucléaire par une brève, pour le moins amusante sinon inquiétante: que personne ne rie, l’affaire est sérieuse!
    QU’EST-CE QU’ON S’AMUSE AVEC LE NUCLÉAIRE ! 😀
    L’EPR devrait entrer en service dans un an près des deux réacteurs de Flamanville, plus anciens. L’EPR de Flamanville est presque prêt… mais il manque la notice« Les équipes qui vont devoir mettre en service l’EPR de Flamanville (à côté des deux plus anciens) et assurer sa maintenance ne devraient pas disposer à temps d’une documentation suffisante. C’est ce que vient de relever l’Autorité de sûreté nucléaire. Autrement dit, avec un retard d’au moins douze ans, l’EPR sera bientôt prêt… mais pas le mode d’emploi. »

 

  • Problèmes liés à la sous-traitance – LA CENTRALE DE GRAVELINES ÉPINGLÉE POUR SON ABSENCE DE PROGRÈS EN MATIÈRE DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE  « L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a épinglé pour la troisième année consécutive, les performances en 2022 de la centrale nucléaire de Gravelines (Nord), la plus puissante d’Europe de l’Ouest, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Ces performances « sont en retrait en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection par rapport à l’appréciation générale que l’ASN porte sur les centrales nucléaires d’EDF », expose l’autorité de contrôle dans un communiqué . » Rappelons que la prolongation des réacteurs 1 à 3 (sur 6) au-delà de 40 ans va donner lieu à Enquête publique…La construction de réacteurs nouvelle génération (EPR2) y est envisagée.

  • Prolongation des centrales à 60 ans: prématurée pour l’ASN, que le Gouvernement voulait voir disparaître (on le comprend…sic) « C’est la question posée à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) par les pouvoirs publics dans le cadre des travaux préparatoires de la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). »  Mais « Il est trop tôt pour envisager un prolongement à soixante ans du parc nucléaire. D’autant que certaines pièces présentent des faiblesses (cinq réacteurs sont déjà sur la sellette). » Oh! Tiens, on dirait une faille sous la centrale! « La centrale de Cruas est, pour sa part, menacée par le risque sismique. »

 

  • Ici encore, il s’agit de la sous-traitance, un des fléaux potentiellement catastrophique dont souffre l’industrie nucléaire –  La société SBS et ses dirigeants mis en examen pour de faux certificats – « Deux personnes morales, la société SBS et le groupe Genoyer, et six personnes physiques, dirigeants et responsables du contrôle qualité, sont mis en examen pour des falsifications de rapport de contrôle qualité pour des pièces destinées à l’industrie nucléaire…L’entreprise forge et usine des pièces destinées à l’armement, à l’industrie nucléaire et au transport, entre autres. » « Mise à l’honneur pour avoir baissé très fortement sa consommation d’eau », c’est « un devant de la scène qui n’a pas fait l’unanimité. »
  • L’appel des scientifiques (lire ci-dessous) contre la relance du programme nucléaire est désormais public : https://appel-de-scientifiques-contre-un-nouveau-programm…
    « IMPORTANT : TOUT LE MONDE PEUT SIGNER
    Si vous êtes scientifique, précisez-le vous apparaîtrez en tant que « Signataires »
    Si vous ne l’êtes pas, vous apparaîtrez en tant que « Soutien »
    Aujourd’hui, plus de 500 scientifiques, plus de 1000 soutiens…
    NOUS AVONS BESOIN DE TOUT LE MONDE !!! MERCI D’AVANCE »

Relance du programme nucléaire: appel de scientifiques

Le 11 Février 1975 dans les colonnes du Monde, 400 scientifiques invitaient la population française à refuser l’installation des centrales nucléaires « tant qu’elle n’aura pas une claire conscience des risques et des conséquences ». Rappelant le caractère potentiellement effroyable d’un accident nucléaire, ils constataient que « le problème des déchets est traité avec légèreté », et que : « systématiquement, on minimise les risques, on cache les conséquences possibles, on rassure ».

La pertinence de cet appel, qui pourrait être repris quasiment mot pour mot aujourd’hui, a été largement confirmée dans les dernières décennies :

  • Présentés à l’époque comme impossibles, les accidents graves ou majeurs se sont multipliés, entraînant des rejets massifs de matières radioactives. Ils ont touché aussi bien des cœurs de réacteurs (Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima) que des dépôts de déchets radioactifs ou des usines de combustible (Mayak, Tokaimura, WIPP, Asse).
  • De vastes zones géographiques ont été ainsi rendues toxiques pour tous les êtres vivants et les irradiations et les contaminations radioactives continuent de faire de nombreuses victimes, y compris autour des installations en fonctionnement « normal ».
  • L’industrie du nucléaire a officiellement accumulé en France plus de 2 millions de tonnes de déchets radioactifs, dont 200 000 tonnes dangereuses sur de longues périodes, un volume très sous estimé qui ne comptabilise ni les stériles et déchets miniers abandonnés à l’étranger, ni les « matières » destinées à un hypothétique réemploi (combustibles usés, uranium appauvri, uranium de retraitement…).
  • Le démantèlement et la dépollution des sites déjà contaminés sont à peine engagés, s’annoncent excessivement longs et coûteux, et vont encore aggraver le bilan des déchets.
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Force est de constater qu’après un demi-siècle de développement industriel, nous ne maîtrisons toujours pas les dangers de l’atome, et n’avons fait que repousser des problèmes annoncés de longue date.

Pourtant, hors de tout débat démocratique, et sans avoir procédé à un réel bilan des choix passés et des options qui s’offrent aujourd’hui, nos gouvernants s’apprêtent à relancer un nouveau programme électronucléaire. Sous prétexte d’urgence climatique, et sur la base d’arguments tronqués, simplistes, voire lourdement erronés, des lobbyistes disposant d’importants relais médiatiques s’emploient à organiser l’amnésie.

Rappelons que, pour stocker une fraction seulement des déchets les plus dangereux produits à ce jour en France, déchets qui selon certains « tiendraient dans une piscine olympique », on s’apprête à creuser 300 km de galeries sous un site de 29 km2, pour un coût provisoirement estimé entre 25 et 35 milliards d’euros, et ce sans certitude sur la durabilité de ce stockage aux échelles géologiques requises, de l’ordre d’au moins 100 000 ans.

Rappelons que les conséquences d’accidents majeurs tels que Tchernobyl et Fukushima ne peuvent se réduire à un petit nombre de morts « officiels ». Le fait qu’un bilan sanitaire et économique sérieux du drame de Tchernobyl ne soit toujours pas établi devrait interpeller tout esprit scientifique. Un large éventail de morbidités affecte les habitants des territoires contaminés : conditions de vie dégradées, paupérisation et stigmatisation seront leur lot pour des siècles.

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Deux faits majeurs de notre actualité devraient plus que jamais nous alerter : le dérèglement climatique qui s’accélère, et la guerre en Ukraine. La raréfaction de l’eau douce et la réduction du débit des fleuves liés à une sécheresse bientôt chronique en France, tout autant que les risques de submersion des zones côtières dûs à l’élévation du niveau des océans et à la multiplication d’évènements climatiques extrêmes vont rendre très problématique l’exploitation des installations nucléaires. Miser sur de nouveaux réacteurs dont le premier serait au mieux mis en service en 2037 ne permettra en rien de réduire dès aujourd’hui et drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, comme l’urgence climatique l’exige. Par ailleurs, au-delà des horreurs de la guerre, la vulnérabilité de la centrale de Zaporijia menace l’Europe entière. Dans un tel contexte d’instabilité géopolitique, comment allons nous garantir la paix éternelle requise par le nucléaire ?

Dans l’immédiat, l’effort industriel et financier que représenterait ce nouveau programme détournerait pour longtemps les moyens nécessaires pour affronter les défis conjugués de la crise climatique, de l’effondrement du vivant, des pollutions généralisées et de l’épuisement des ressources. Le système électronucléaire est au contraire indissociable d’un modèle économique basé sur le productivisme et le gaspillage, qui doit prioritairement être revu.

Aujourd’hui, toute critique de la technologie nucléaire, soumise au double secret industriel et militaire, est devenue extrêmement difficile au sein des écoles, laboratoires et instituts qui lui sont liés. Mais les sciences de l’ingénieur n’ont le monopole ni du savoir ni de la légitimité pour décider de notre avenir. Les sciences de la terre et du vivant, de la santé, les sciences sociales et économiques, les humanités et les lettres produisent des enquêtes, des analyses et des contre-récits sans lesquels nous ne saurions rien aujourd’hui des véritables conséquences de l’atome sur les sociétés, les milieux de vie et les populations, humaines et autres qu’humaines.

C’est pourquoi nous, femmes et hommes scientifiques, médecins, enseignants, ingénieurs, universitaires et chercheurs lançons cet appel à refuser tout nouveau programme nucléaire. A un choix imposé qui engagerait notre avenir sur le très long terme, nous opposons la nécessité d’élaborer démocratiquement et de manière décentralisée, à partir des territoires et des besoins, des propositions de rupture pour des politiques de sobriété, de transition énergétique, et de justice écologique.

SIGNEZ: Appel de scientifiques contre un nouveau programme nucléaire (appel-de-scientifiques-contre-un-nouveau-programme-nucleaire.org)

 

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