De résistances argumentaires, en protestations de terrain, l’expression militante est face à un défi: gagner la bataille de la communication.

Billet d’humeur (au CADE, nous en avons aussi…), alors que vient d’être publié au journal Officiel le « Décret du 21 juin 2023 portant dissolution d’un groupement de fait »: chacun doit le lire pour savoir: Décret du 21 juin 2023 portant dissolution d’un groupement de fait – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

« Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage », jamais expression n’a paru plus juste aujourd’hui, métaphoriquement parlant: l’inversion de la charge est une affaire de « com », au diable la réalité!

  • Dissoudre le mouvement des Soulèvements de la terre, qui est un agrégat de volontés d’agir et non une organisation – Mais peut-il réellement se dissoudre sur le terrain? On sait que nous sommes entrés dans un engrenage de communication qui prend prétexte des heurts lors de la mobilisation contre les bassines (Ste Soline); il cache une autre réalité: empêcher les résistances qui remettent en cause la conservation de modèles que nous jugeons dépassés pour l’avenir de la planète. Alors, peut-on dissoudre une prise de conscience populaire et écologique?
  • Cliver les points de vue: de fait, « on ne peut plus se parler dans ce pays ».– Loin d’être abandonnée, la criminalisation des activistes de diverses origines associatives, syndicales ou politiques agissant contre les projets dits « écocides » ou « inutiles et imposés » ou « trop coûteux » ou ne répondant pas à l’intérêt général…cette criminalisation donc est médiatisée en éléments de langage émotionnels et  dispose maintenant d’un arsenal doctrinaire de dissuasion: mobilisations énormes de forces de police avec usage d’armes dangereuses voire létales, décisions juridiques pour empêcher le droit constitutionnel de manifester (arrêtés de préfets, procès) avec outils de police (GAV, amendes dissuasives, perquisitions, fichage et surveillance numérique…). Au fond, peu importent les arguments et leur échelle de valeur, toute l’attention est attirée de façon clivante sur la forme, et le désordre qui en résultera: « forcément », nous dit-on… La France est là au-delà de la raison et de la réflexion: le sensationnel et l’évènementiel, la façon de raconter, priment sur la connaissance de fond d’un sujet. Les positions se crispent; nous sommes sommés de nous indigner de « violences » à répétition, et ainsi prendre parti contre toute résistance de terrain.

Alors pourquoi en sommes-nous là? Lorsque la gestion démocratique (participative partout, et législative au niveau national) recule, les actions citoyennes de terrain – spécifiques mais convergentes quant aux valeurs défendues – prennent le relais contre des projets productivistes et écocides; elles lèvent des convergences de résistance, ici et là, partout…faute de pouvoir s’exprimer autrement et de se faire entendre par un « Exécutif » et un « Régalien » qui ne dialoguent pas avec la population, les citoyens deviennent activistes estimant se trouver en situation de « légitime défense » et, ce, pour l’intérêt général. Cette phase a été préparée par le lobbying industriel et agricole d’intérêts privés, servi par les multiples atteintes législatives au Droit de l’Environnement (dérogations, détricotage de règlementations, détournement de sens des mots …): une « com. » offensive qui inverse systématiquement la charge. La responsabilité des élus dirigeants sur ce point est désormais avérée devant l’Histoire.

Une multiplication vertigineuse de conflits environnementaux – Ainsi, après les bassines qui assèchent les nappes phréatiques au profit de quelques uns, c’est l’A69 qui a mobilisé largement contre une autoroute  jugée inutile; dernièrement Nantes a connu des arrachages maraîchers, tandis que le dernier week-end ramenait le GPII du Lyon/ Turin dans la lumière… Et ce n’est pas oublier toutes les indignations citoyennes qui s’expriment de semaine en semaine: polluants chimiques et atteintes sanitaires, méga-usines pour animaux, plantations réduisant la biodiversité et déforestation à l’exportation, artificialisation des sols et suppression de terres nourricières, choix d’implantations énergétiques, méthanisations gigantesques, extractivisme… les protestations nous submergent dressant le tableau d’une France divisée, en crise écologique, sociale et démocratique. Allons-nous « nous dissoudre » ou agir? Car plus près de nous la LGV du GPSO, décidée par DUP sans démocratie malgré son échec lors de l’Enquête publique, a le vent en poupe: le désastre est à venir déjà en Gironde où le chantier s’annonce, grâce à une « com. » mensongère! Qu’allons- nous faire?

Là est bien le danger de notre époque: faire société est un horizon qui disparaît, celui qui s’impose à nous est désespérant! – Force est de constater, quoi que l’on puisse penser ponctuellement des déroulements de ces actions de résistance, que deux récits coexistent sans jamais se rencontrer: une conservation de modèles productivistes portée par le gouvernement et s’appuyant sur une majorité de médias et « forces de l’ordre », versus une impatience de réseaux citoyens indignés, se reconnaissant et se coagulant dans la volonté de porter d’autres logiques démocratiques, sociales, économiques et écologiques. A chaque camp sa « com. ».

Nous sommes si loin de l’apaisement annoncé « des 100 jours » et ne sommes jamais à ce point apparus aussi irréconciliables dans ces récits de crise permanente…C’est ainsi que ces deux récits coexistent, les indignations de part et d’autres emplissant notre vie en France de bruit et d’agitations successives, au détriment de ce qui aurait pu être un projet partagé,  porteur  de progrès et d’enthousiasme collectif.

A la veille des vacances, qui n’en serait fatigué et inquiet? La résistance à ce qui broie le vivant et les « écosystèmes », y compris l’humain, n’a pas changé de combat, mais sa nature évolue: son défi actuel est bien de gagner la bataille difficile de la communication! Notre force doit être notre nombre, chacun peut en être le porte-parole. (billet d’humeur, EPB.)

 Un court édito sur Médiapart se fait l’écho de ces préoccupations: « Ecoterrorisme ou le renversement de la culpabilité », Par Floriane Louison – Ecoterrorisme ou le renversement de la culpabilié (emsecure.net)

  Le média propose un entretien sur l’état d’esprit qui anime les résistances actuelles, qualifiées de « terroristes » par ceux qui procèdent à la dissolution des « Soulèvements de la Terre », en prenant le parti pris inverse: « Alors que les Soulèvements de la Terre multiplient les actions, et les soutiens, et qu’une menace de dissolution plane sur le mouvement, on prend le temps d’une réflexion de fond avec l’historien Jérôme Baschet sur le devoir d’insubordination. » Jérôme Baschet : « La première violence est celle d’un système qui expose les êtres vivants au chaos climatique » – Basta!

Voici, à titre d’illustration de cette réflexion, le récit concernant « Les paysans et paysannes co-organisateur.ices de la mobilisation -Fin de carrières 44 », récit qui apparaît incompatible avec celui porté nationalement par la plupart des médias ainsi que par nos dirigeants sur « l’arrachage inadmissible de cultures ».

« Les paysan.nes du convoi du sable expliquent les actions menées contre le maraîchage industriel – Résistance paysanne au maraîchage industriel !👩🏽‍🌾

11 juin 2023 – 🌱 🚜 Nous sommes des éleveurs-euses et maraîchers-ères de Loire-Atlantique. Nous avons participé depuis plus de deux ans à toutes les mobilisations contre l’extension des carrières de Saint-Colomban. Nous sommes venu.es – une fois encore – en force avec nos tracteurs pour cette journée de mobilisation organisée par La tête dans le sable et Les soulèvements de la terre.
Pour nous la présence paysanne dans toutes ces actions démontre que les luttes écologistes n’ont rien à voir avec une opposition binaire et caricaturale entre agriculteurs et écolos. En réalité, comme le soulignait déjà Bernard Lambert en son temps, une fracture traverse le monde agricole de l’intérieur : entre des grosses sociétés agro-industrielles et toutes celles et ceux qui pratiquent une agriculture paysanne, entre les grosses coopératives capitalistes et nos fermes, entre l’agro-écologie à dimension humaine et à vocation locale et l’agrobusiness exportateur.
🌱 🚜 Ce dimanche, appuyé par des milliers de citoyen.ne.s nous avons décidé de poursuivre notre action contre l’extractivisme et le bétonnage, contre le maraîchage industriel et pour la défense du bocage et de l’agriculture paysanne. Depuis des années, nos fermes sont impactées par un terrible phénomène. Au sud de La Loire, une poignée d’agri-managers spécialisés dans le maraîchage industriel est en train d’accaparer la terre et l’eau, de détruire le bocage et ses haies, d’empêcher les nouvelles installations en faisant exploser le prix du foncier, d’artificialiser les sols à grand renfort de bâches plastiques et de serres chauffées. Le sud-Loire est en passe de devenir une petite Andalousie. Les exploitants adhérent.es de la Fédération des Maraîchers Nantais font main basse sur les terres et en chassent le maraîchage diversifié et la polyculture élevage.
Par exemple, 30 % du sable de la carrière GSM de St Colomban est destiné aux maraîchers industriels. En tant que maraîchers diversifiés, nous sommes bien placés pour le savoir et le vivons au quotidien : nul besoin de sable et de pesticides pour nourrir localement les consommateurs avec de bons légumes ! Nous fournissons les AMAPS et les magasins de producteurs depuis des années, sans avoir besoin de prétendues « expérimentations » industrielles. C’est depuis nos collectifs citoyens écologistes et paysans que furent pensées les actions de la journée. Si nous avons choisi de remplacer et réensemencer symboliquement avec du sarrasin bio le muguet industriel et les serres de la Fédération des Maraîchers Nantais, c’est parce que nous pensons que l’ensemble des terres accaparées par ce lobby devrait être restitué à la polyculture élevage et au maraîchage diversifié.
En Loire-Atlantique, les surfaces accaparées par le maraîchage industriel ont augmenté de 29 % entre 2010 et 2021. La consommation d’eau de ce secteur, dont le pic se situe en pleine sécheresse estivale, est en particulier très largement supérieure à celle des 40 000 habitants d’une des communautés de communes concernées. Principalement pour du muguet qui ne se mange pas et de la mâche exportée.
Ce dimanche, parmi les centaines de personnes du convoi, nous étions une cinquantaine de paysan.nes impliqué.es dans ces actions de réensemencement et nous l’assumons pleinement. A travers sa communication, M. Régis Chevallier, « pleure » mais les paysan.nes citoyen.nes déplorent tous les jours la disparition des fermes d’élevage et de son bocage au profit du maraîchage industriel. »
Cet article a été publié dans Accueil, Agriculture-Alimentation, Climat, EAU, GPII, Immobilier, LGV, Route, Transport avec le mot-clé , , , , , , . Mettre en signet le permalien.

Les commentaires sont fermés.