La France épinglée lors du bilan de mise en œuvre de la législation environnementale

Pollution atmosphérique, biodiversité, déchets, gestion des eaux et pollution aux nitrates, pollution sonore…

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La Commission critique la France pour non-conformité au droit européen – Qualité de l’air, protection de la biodiversité, pollution sonore, qualité de l’eau, gestion des déchets… La Commission européenne met en lumière les retards de la France à l’occasion de son bilan de mise en œuvre de la législation environnementale. (Dix-huit actions de la Commission sont toujours en cours contre la France concernant l’environnement.)

Un article de Dorothée Laperche pour actu-environnement – Les mesures d’amélioration de la qualité de l’air ainsi que de protection des habitats et des espèces que la France a instaurées ne sont toujours pas à la hauteur des attentes de la Commission européenne. Celle-ci vient de publier les résultats de son examen de la mise en œuvre de la législation environnementale (EIR) par les États membres. Outre un panorama des grandes tendances qui se dégagent à l’échelle européenne, la Commission analyse également la mise en œuvre des décisions européennes dans chacun des Vingt-Sept.

« La troisième édition de ce rapport s’intitule « Changer le cours des choses », et c’est bien notre ambition », pointe Marie-Anne Haure, responsable des politiques conformité environnementale des investissements et mise en œuvre de la politique environnement à la direction générale de l’Environnement de la Commission européenne.

Cette inflexion des pratiques serait, en effet, la bienvenue, car le bilan n’est pas très positif. « Au niveau européen, nous constatons une disparité importante entre les pays, mais de manière générale, nous avons relevé un déclin important de la biodiversité, notamment dans le milieu marin, signale Marie-Anne Haure. Nous notons des impacts importants de la qualité de l’air sur la santé et des problèmes de qualité de l’eau. » Pour avoir une meilleure vision de la situation de chaque pays, une carte des infractions à la législation devrait être publiée d’ici peu par la Commission.

Concernant plus particulièrement la France, le statut quo semble de mise. Les précédentes éditions de l’EIR de 2017 et de 2019 pointaient déjà des retards importants dans la réduction des polluants de l’air, la protection de la biodiversité ainsi que pour la reconquête de qualité de l’eau, notamment du fait de la pollution aux nitrates.

Quatre procédures d’infractions sur la qualité de l’air

En 2022, la France doit encore faire face à quatre procédures d’infraction en matière de qualité de l’air sur les 18 actions en cours concernant l’environnement. « Nous avons constaté une diminution des émissions de certains polluants atmosphériques, mais la France est toujours dans des procédures d’infraction pour des dépassements à la limite fixée pour les particules fines PM10, pour le dioxyde d’azote, rappelle Marie-Anne Haure. Un cadre juridique est en place, mais cela prend du temps avant de pouvoir observer des résultatsNous avons des inquiétudes également quant à l’ammoniac. »

La France doit également échanger avec la Commission sur deux autres procédures d’infraction au sujet de sa transposition non conforme de la directive sur la limitation des émissions des installations de combustion moyenne et des incompatibilités des dispositions nationales relatives au droit d’antériorité avec les directives relatives aux émissions industrielles et celle sur les émissions des installations de combustion moyenne.

De la même façon, la France reste dans le viseur de Bruxelles pour sa protection insuffisante de la biodiversité. « Des mesures supplémentaires sont nécessaires pour protéger les habitats et les espèces, estime Marie-Anne Haure. La surface nationale couverte par des zones Natura 2000 est inférieure à la moyenne européenne. »

L’ambition n’est également pas au rendez-vous sur les questions de l’encadrement des pratiques agricoles, de la chasse ou de la pêche. Trois procédures d’infraction sont en cours : celle pour manquement aux obligations de la directive Oiseaux (à propos de la tourterelle des bois), celle pour mauvaise application de la directive Oiseaux en raison des conditions de chasses traditionnelles et la capture de certains oiseaux et celle pour mauvaise application du droit européen par le secteur de la pêche en lien avec la protection des mammifères marins et des oiseaux. Des mesures doivent également être engagées pour mieux lutter contre les espèces invasives.

Un nouvel axe d’amélioration prioritaire : la pollution sonore

Par rapport aux précédentes éditions, la Commission a identifié un nouvel axe prioritaire d’amélioration pour la France, aux vues des conséquences pour la santé : la pollution sonore. « Près de 1 500 décès prématurés sont liés à la pollution sonore, souligne Marie-Anne Haure. Il est urgent de mettre en place des plans d’action pour mieux gérer le bruit. » Cette question fait également l’objet d’une procédure d’infraction pour non-respect de la directive relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement.

Outre ces trois axes principaux mis en lumière par la représentation française de la direction générale de l’Environnement, les difficultés d’amélioration de la qualité de l’eau persistent. « Une procédure d’infraction est en cours concernant la pollution aux nitrates dans l’eau potable et concernant la directive Eaux résiduaires urbaines (Deru), rappelle Marie-Anne Haure. Nous avons également besoin d’avoir une meilleure vision de l’état des masses d’eau en France. » Dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau (DCE), l’EIR souligne la nécessité d’évaluer les nouvelles modifications des caractéristiques physiques des masses d’eau : ces évaluations devraient envisager des options alternatives et proposer des mesures d’atténuation adéquates. La France doit également rentrer dans les clous pour ce qui concerne la prise en compte des impacts de courte durée des programmes et projets sur l’état des masses d’eau, dans le cadre de la DCE.

Des progrès sont également à faire dans le secteur des déchets. « La France est en dessous des taux de recyclage européen », note Marie-Anne Haure. En matière de gouvernance, l’Hexagone n’est toujours pas un bon élève concernant la participation du public et l’information des citoyens.

Malgré les manquements listés, quelques points positifs sont à noter. « La France est performante pour l’utilisation circulaire des matériaux et elle présente une bonne transposition des exigences concernant les produits chimiques, reconnaît Marie-Anne Haure. Une avancée est à noter par rapport à la biodiversité avec la stratégie nationale pour les aires protégées. Mais c’est un progrès limité. »

Un besoin de davantage d’investissements

Selon l’EIR, un des leviers d’amélioration passera par des financements supplémentaires. « Il faudrait entre 13 et 15 milliards d’euros d’investissements publics et privés supplémentaires d’ici à 2023 par an en France », estime Marie-Anne Haure. À titre d’exemple, la Commission a évalué que, d’ici à 2030, le coût total de la lutte contre la pollution atmosphérique s’élèverait à 9 milliards par an pour la France. Pour la biodiversité, les besoins seraient de 651,4 millions par an entre 2021 et 2027. Et pour les déchets, l’investissement nécessaire s’élèveraient à 3,514 milliards supplémentaires (soit environ 500 millions par an) entre 2021 et 2027. Les besoins pour la gestion des eaux ont, quant à eux, été estimés à quelque 2,1 milliards par an, jusqu’en 2030, dont plus de 90 % pour les eaux usées.

Dorothée Laperche, journaliste
Rédactrice spécialisée

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