Le projet fou de Vinci et Bouygues qui va ruiner l’île de La Réunion
3 juin 2015 / Philippe Desfilhes (Reporterre)
Sur l’île de La Réunion, des élus et les compagnies Bouygues et Vinci veulent construire une route ruineuse pour désengorger la voie actuelle. Mais les dégâts sur l’environnement et le coût pour les finances publiques seraient immenses, alors qu’une alternative existe.
Manuel Valls, qui doit se rendre à la Réunion du 11 au 13 juin, est attendu de pied ferme par les opposants à la nouvelle route du littoral. Ceux-ci lui demanderont d’engager un débat sur le coût économique, environnemental et sociétal de ce projet porté par Didier Robert, le président (UMP) du Conseil régional et soutenu par son gouvernement. « Nous attendons de lui qu’il commandite un audit financier et qu’il clarifie sa position sur ce projet pharaonique qui hypothèque gravement l’avenir de l’ile », dit Jean-Pierre Marchau, élu EELV responsable des transports à la mairie de Saint-Denis.
Samedi 30 mai, ils étaient plus de 400 à manifester aux Avirons, la commune concernée par le projet, contre l’ouverture de la carrière de Bois Blanc, d’où il est question d’extraire plus de 17 millions de tonnes de matériaux destinés au futur chantier. « Près de cinq ans après le lancement du projet, on touche désormais directement la vie des Réunionnais et la mobilisation prend enfin forme sur le terrain. Nous espérons qu’ils seront encore plus nombreux dimanche 7 juin pour la prochaine manifestation. Certains ne seraient d’ailleurs pas contre passer à la vitesse supérieure, jusqu’à faire du site de Bois Blanc une nouvelle ZAD (Zone à défendre), à l’instar de Sivens ou de Notre-Dame-des-Landes », prévient l’élu.
La « NRL », comme on l’appelle à La Réunion, tient une place de choix sur la liste des grands projets inutiles. De quoi s’agit-t-il ? Du projet de remplacer l’actuelle route côtière, qui va de la préfecture de Saint-Denis au Port, par une route à deux fois trois voies. Construite sur pilotis par Bouygues et Vinci, cette prouesse technique a un coût exorbitant : 1,66 milliards d’euros pour … 12,5 kilomètres, soit 138 millions le kilomètre, selon le budget initial. Du jamais vu, alors qu’un kilomètre de route coûte en moyenne 6,2 millions d’euros.
Vue informatique du projet
« Les experts pensent que la facture finale atteindra 2,5 milliards d’euros. C’est trois fois plus cher que Notre-Dame-des-Landes et cela ferait de la NRL la route la plus chère du monde ! », s’insurge un membre de l’Alliance, l’opposition réunionnaise qui réunit le PC réunionnais, des mouvements de gauche progressistes et des membres de la société civile.
Une alternative existe : le tram-train
L’Alliance est d’autant plus fermement opposée au projet de nouvelle route du littoral que Paul Vergès, son leader, qui a été président de Région de 1998 à 2010, avait lancé un projet de tram-train entre Saint-Denis et Le Port. Des travaux de sécurisation de l’actuelle route exposée à des chutes de pierres depuis la falaise étaient également prévus.
Personne ne conteste en effet la nécessité de trouver une alternative à l’actuelle route du littoral. Construite en 1976 et empruntée par 10 000 véhicules à l’époque, cette voie est aujourd’hui fréquentée quotidiennement par 60 000 automobilistes. Résultat, les accidents ou pannes de véhicules allongent significativement les bouchons récurrents de l’entrée ouest de Saint-Denis.
Michel Dubromel, responsable Transport et mobilité durable à la France Nature Environnement, connaît bien le projet de tram-train que son association avait soutenu lors du Grenelle de l’environnement en 2007. « Il faut arrêter le ’tout bagnole’ et développer les transports en commun à la Réunion. C’est une obligation si on veut éviter le ’coma circulatoire’ qui menace l’ile. Et sur le plan environnemental, la NRL est une catastrophe ! », s’insurge-t-il.
Les eaux de la Réunion abrite des espèces remarquables, tel le corail Acropora hyacinthus
L’association a déposé l’an dernier un recours en justice, arguant que la nouvelle route menace le grand dauphin, la baleine à bosse, des coraux et de multiples espèces d’oiseaux. « Une quinzaine d’autres recours ont été déposés et le Conseil national de protection de la nature (CNPN) a rendu en 2013 un avis défavorable sur la NRL en raison des atteintes à la faune et de flore sauvage », ajoute le défenseur de l’environnement. La Réunion, comme de nombreuses iles, possède un écosystème particulièrement sensible avec des espèces endémiques particulièrement sensibles : l’UICN (l’Union internationale de conservation de la nature) y recense 104 espèces sur sa liste rouge.
Les opposants à la NRL attendent d’autant plus impatiemment la venue de Manuel Valls qu’ils se sentent trahis par le pouvoir socialiste. « Lorsque François Hollande a gagné en 2012, nous pensions que cela mettrait un terme au nouveau projet de NRL décidé sous le gouvernement Fillon. Il n’en a rien été », déplore Jean-Pierre Marchau. La ministre de l’écologie Ségolène Royal, qui a rencontré le 5 septembre 2014 à Paris Didier Robert, l’a même assuré de l’engagement de l’Etat. « Nous avons l’impression d’un aveuglement de nos dirigeants. Sont-ils obnubilés par les promesses des retombées économiques que procurera le chantier sur une ile où le taux de chômage est de plus de 30 % ? Croient-ils vraiment qu’on peut compenser, comme le propose l’étude d’impact de la NRL, ce qui sera détruit par un projet de cette ampleur ? », s’interroge l’élu de Saint-Denis.
La Ravine du Trou, où pourrait se creuser la carrière du Bois Blanc
L’enquête d’utilité publique lancée le 20 mai pour l’ouverture de la gigantesque carrière de Bois Blanc, sur l’une des rares portions de littoral encore préservées dans l’ouest, a réveillé l’opinion publique. « De même, un mouvement de protestation s’est élevé contre les atteintes sur le récifs des Lataniers des travaux menés à la Possession. La population commence à prendre conscience des dégâts irréparables que provoquera la NRL », constate Michel Dubromel.
Le temps joue en faveur des opposants à la nouvelle route. Les élections régionales auront lieu dans six mois. Or si la droite a réussi à remporter la région en 2010, c’est parce que le PS, arrivé en troisième place très loin derrière l’Alliance et l’UMP, s’est maintenu, provoquant une triangulaire qui a laissé des traces dans les esprits. « La NRL sera l’un des principaux enjeux des prochaines élections régionales. Si la droite perd, comme nous le pensons, cela sera un coup d’arrêt au projet. Mais d’ici là, ses promoteurs risquent de vouloir l’imposer au forceps », prévient-il.
Un échangeur routier est déjà en cours de construction à La Possession, le lieu qui marque l’entrée ouest de la future NRL. Un autre l’est également à La Grande Chaloupe, au milieu du trajet. « Mais contrairement à ce que dit Didier Robert, ces travaux n’ont rien d’irréversible. La construction des digues notamment n’a pas commencé faute d’avoir trouvé les matériaux nécessaires aux travaux. Le problème de l’approvisionnement en matériaux du futur chantier reste d’ailleurs entier et c’est pourquoi il est si important d’empêcher le démarrage de la carrière de Saint-Leu », insiste Jean-Pierre Marchau.
Lire aussi : Un projet pharaonique d’autoroute à La Réunion
http://www.reporterre.net/Le-projet-fou-de-Vinci-et-Bouygues-qui-va-ruiner-l-ile-de-La-Reunion
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Les dernières barthes du CEF de Mouguerre doivent être préservées !
Le permis d'aménager ne doit pas être accordé, puisque d'autres solutions existent pour éviter la destruction de 12 hectares de barthes.
Les dernières barthes du CEF de Mouguerre doivent être préservées
Les barthes sont des zones humides qui jouent un rôle majeur pour préserver la ressource en eau, lutter contre les canicules, maintenir la biodiversité mais aussi pour prévenir des inondations les quartiers environnants. Leur destruction est interdite pour des projets qui peuvent se dérouler ailleurs ou autrement. C'est l'esprit de la loi et de la séquence « Eviter, réduire, compenser » qui impose d'éviter en tout premier lieu. C'est aussi pour cela que le CNPN (Conseil National de Protection de la Nature) a émis un avis défavorable au projet.
Le permis d'aménager demandé par la SEPA sur le CEF (Centre Européen de Fret) pour remblayer 12 ha de barthes ne doit pas être accordé par le Maire de Mouguerre :
- L'activité de l'entreprise DJO (Enovis) n'est pas liée au fret ferroviaire et on peut éviter de détruire les 3,3ha qui lui sont dévolus. D'autres implantations sont possibles : les friches industrielles du site des Salines tout proche du CEF, ou des emplacements déjà aménagés à Saint-Martin-de-Seignanx par exemple. Rien ne justifie qu'on l'installe sur les barthes.
- Le remblaiement pour les aménagements ferroviaires est prématuré. Britanny ferries (nouvel opérateur ferroviaire) peut commencer son activité dans l'espace déjà remblayé du CEF sans toucher aux barthes. Les autres opérateurs présents sur le CEF n'ont pas prévu leur éventuelle extension avant 2025. Le projet de Brittany ferries étant de transporter des camions d'Irlande en Espagne (camions actuellement sur des bateaux entre ces deux pays), il serait par ailleurs plus judicieux que ses trains (en provenance du port de Cherbourg) roulent jusqu'en Espagne pour éviter un surplus de camions sur l'A63 entre Mouguerre et la frontière.
- Le cadre de vie des riverains doit être préservé, et l'interdiction d'accès au CEF par la route de Briscous maintenue, comme c'était le cas jusqu'en 2022 avant la révision du PLU de Mouguerre. Le nouvel accès prévu (qui s'éloigne du noeud autoroutier) va aggraver les conditions de circulation déjà très difficiles sur ce secteur pour les habitants de Lahonce, Briscous, Mouguerre et au-delà. Les investissements publics doivent se tourner pour améliorer les transports du quotidien.
- Le remblaiement des barthes va aggraver les risques d'inondation des quartiers environnants sur Lahonce et Mouguerre, d'autant plus avec le changement climatique et la multiplication des événements extrêmes.
- Les impacts de cet aménagement débordant largement du CEF et affectant les habitants de Mouguerre et des communes voisines, ce permis d'aménager aurait dû faire l'objet d'une vaste concertation avec l'ensemble des habitants, des associations, des élus des communes voisines, du SCoT.
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