L’imposture écologique et environnementale des LGV

Par Pierre Recarte Vice président du CADE

C’est une « imposture écologique » de vouloir travestir les chantiers de LGV, que chacun sait grands destructeurs de milieux naturels, terres agricoles et forêts, en véritables bienfaits pour l’environnement.

En France, le détournement des sols pour d’autres usages que la culture (autoroutes, lignes à grande vitesse, urbanisation, création de zones d’activités…) supprime l’équivalent d’un département français tous les dix ans.

Un saccage environnemental

La construction d’une LGV est dévastatrice pour l’environnement : déforestation, perte de biodiversité, destruction de vastes territoires agricoles.

Une LGV n’épouse ni les paysages ni les reliefs. C’est un passage en force, en ligne droite. Il est aisé de comprendre que l’impact environnemental est sans commune mesure avec la construction d’une autoroute.

Une LGV cloisonne, fragmente les milieux, perturbe l’hydrographie, engendre une pollution des sols et des eaux en phase chantier.

Ce sont des milliers d’hectares de terres agricoles et de forêts cultivées confisqués ; des centaines de petites exploitations disparaissant dans les ceintures vertes agricoles péri-urbaines, où se pratique souvent une agriculture paysanne respectueuse de l’environnement et du maintien de la qualité des produits.

L’autorité environnementale vient de remettre son rapport sur le grand projet ferroviaire du sud ouest (GPSO) qui devrait relier Bordeaux à Toulouse et à l’Espagne à travers le Pays basque. Les chiffres avancés permettent de mesurer l’ampleur du désastre. L’emprise du projet est de 6300ha (soit 15ha au km) dont 1 500 ha de terres agricoles (470 exploitations), 3 300 ha de forêts, 370 ha de zones humides, 90 plans d’eau.

L’enjeu hydraulique et hydrologique est majeur : 790 ouvrages de franchissement de cours d’eau et zones humides : 315 viaducs et ponts cadre. 120 bassins d’écrêtement. En moyenne 1,8 ouvrage de franchissement hydraulique par km de ligne nouvelle !

Les lignes traverseront treize sites Natura 2000et une réserve naturelle nationale (marais d’Orx) est impactée. Les besoins en remblais sont estimés à 35 Millions de m3, les déblais extraits à 34 Millions de m3.

Au Pays basque, la LGV, une emprise de 19 grands stades de France !

Sur un linéaire de 35,7kms, l’emprise du projet serait de 316,9ha soit 19 fois la superficie totale du stade de France ! Quinze communes sont impactées de Lahonce à Biriatou.

Sur les 478 exploitations, 65 sont incluses dans la bande associée au projet proposé à l’enquête publique, ainsi que les estives appartenant aux communes d’Urrugne et de Saint-Pée-sur-Nivelle. Il s’agit des exploitations agricoles présentant au moins des parcelles, parfois également des bâtiments agricoles et/ou des sièges d’exploitation. Cela représente 142,5ha de surfaces agricoles utiles (SAU) soit une disparition de 2% des terres.

Sur les 65 exploitations impactées, 54 (83%) présentent un impact brut modéré à très fort.

Les emprises concerneraient essentiellement des parcelles de terres labourables dédiées aux cultures annuelles. La polyculture, les vergers et prairies représentent respectivement 30,2 %, 0,5 % et 34,3 % des terres agricoles situées dans l’emprise.

Ces chiffres sont extraits d’un rapport élaboré pour RFF par la commission départementale de consommation des espaces agricoles pour les Pyrénées Atlantiques..

Les auteurs de ce rapport reconnaissent que : « La Chambre d’Agriculture a localement rencontré des difficultés pour mener ses travaux d’enquêtes agricoles. Dans un contexte de rejet du projet et de refus de certains agriculteurs de travailler avec l’organisme consulaire »

Faut-il s’en étonner ?

On voudrait signer l’arrêt de mort de l’agriculture dans les zones périurbaines de la Côte basque qu’on ne s’y prendrait pas mieux !

L’alibi du bilan carbone

L’enjeu de la transition écologique et énergétique conduit à donner la priorité aux modes de déplacements et de transports alternatifs à la route. C’est dans ce contexte que les pouvoirs publics tentent de réduire la circulation routière et les émissions de gaz à effet de serre (GES) au profit d’autres moyens de transport plus respectueux de l’environnement. Le report modal est donc actuellement un enjeu majeur pour notre société. Mais la LGV n’est pas la réponse pertinente en l’absence de saturation du réseau actuel. En effet la construction systématique de lignes nouvelles dédiées, se traduit par un bilan carbone désastreux : un million de tonnes de CO2 généré par 150 kilomètres de nouvelles voies. Cette « dette carbone initiale » serait compensée grâce au report modal de la route et de l’aérien vers le train. Pour arriver à ses fins les décideurs dont RFF tablent sur un report « massif » très éloigné de la réalité. De plus les bilans carbone sont faussés car ils ne tiennent pas compte du progrès de propulsion des véhicules à l’avenir, du cycle de vie des rails, ballast, caténaires, du mode de production d’électricité provenant souvent de centrales au charbon ou au gaz, de la durée de vie d’une LGV de 13ans et non de 20ans comme le dit RFF…

Toutes les études (Per Kageson, Mikhail Chester) aboutissent aux mêmes conclusions : les investissements dans des voies à grande vitesse ne peuvent contribuer de manière significative à l’atténuation du changement climatique.

«La réduction des émissions de CO2 liée à la construction des lignes à grande vitesse (LGV) est minime et la construction de ces réseaux ne peut être considérée comme une politique environnementale réaliste. Les raisons positives qui motivent ces investissements peuvent être nombreuses, mais la réduction des émissions de CO2 ne peut en faire partie».

Certes le train permet des économies d’émission de GES par rapport aux autres modes de transport mais à condition d’utiliser les lignes existantes car la LGV n’est pas une réponse pertinente en l’absence de saturation du réseau actuel.

 

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