L’avenir radieux des opérateurs de télécommunication pourrait s’assombrir

Le Gigabit Infrastructure Act qui va certainement être adopté par la Commission européenne en février 2024 va considérablement faciliter le développement du domaine des télécommunications en officialisant la distinction entre les opérateurs de télécommunication et les opérateurs d’infrastructures c’est-à-dire les logisticiens des supports d’infrastructures des moyens techniques de communication, dénommés maintenant Tower Companies (voir ci-après).

1.       Réalité économique du domaine des télécommunications

Dès 2014 la directive sur la réduction des coûts du haut débit (BCRD) visait à faciliter le déploiement du haut débit en en réduisant les coûts et en en rationalisant les procédures administratives pour le déploiement des réseaux de communications fixes et mobiles.

A cette époque, en argumentant principalement sur la nécessité de faciliter l’accès aux infrastructures physiques extérieures existantes et aux infrastructures dans les bâtiments pour les communications haut débit (fibre optique en particulier), en insistant sur le besoin de coordination des travaux de génie civil comme sur celui de faciliter l’octroi des autorisations pour les travaux de génie civil associés, la directive, sans ignorer les besoins spécifiques de la téléphonie mobile, insistait sur les réseaux de communication « câblés »[1].

Depuis la directive BCRD une réalité économique plus aigüe est apparue dans le domaine des télécommunications mobile et qui est certainement sous-jacente à la motivation du Gigabit Infrstructure Act.

Cette réalité devenue publique lorsqu’en 2019, lors de son étude économique 2019[2] la Fédération française des Télécommunications annonçait que les télécoms se caractérisaient par des investissements à long terme et une rentabilité à très long terme, 32 ans étaient indiqués. Or bizarrement la disparition annoncée de la 2G en France l’an dernier ne lui donnait pas cet âge.

De plus les coûts d’exploitation des générations à partir de la 5G doivent tenir de coûts d’exploitation plus importants directement issus des consommations électriques des antennes associées[3] [4].

Cette réalité économique est certainement une des raisons de la multiplication des Tower Companies[5] qui sont les acteurs « de l’herbe et de l’acier » de l’industrie des télécommunications, {et qui] ont trouvé le bon terrain au bon prix, géré les permis et la construction, et perçu les loyers[6]. Ces Tower Companies soulagent les opérateurs de télécommunications des frais de recherche et négociations des sites intéressants et donc participent à leur meilleure contrainte économique.

2.       Gigabit Infrastructure Act

Compétents en matière de lobbying les opérateurs de télécommunications ont fait entendre leurs jérémiades à la Commission européenne qui a convenu que le Gigabit Infrstructure Act

  • devrait réduire les coûts en accélérant les procédures administratives d’octroi des permis, en réduisant les obstacles bureaucratiques pour les opérateurs et les administrations nationales, rendant ainsi le processus de déploiement plus fluide et plus rapide.
  • devrait faciliter l’accès aux infrastructures physiques telles que les bâtiments, les toits, les façades et le mobilier urbain.
  • encouragerait également le partage des infrastructures physiques existantes, telles que les gaines, les poteaux, les pylônes, les installations d’antennes, les tours et autres constructions de soutien, afin de minimiser les travaux de génie civil coûteux et d’accélérer le déploiement des réseaux à haut débit.

Dans cette directive une énorme confusion, certainement volontairement entretenue, est faite entre le besoin du déploiement de la fibre optique et l’accélération du déploiement de la 5G et de ses futures extensions.

La fibre optique ne comporte aucun impact électromagnétique, ne nécessite pas d’émissions hertziennes, sauf pour des lissions internes, et offre des débits suffisants pour les besoins de mobilité, comparables à ceux de la 5G.

La 5G a des impacts sanitaires de plus en plus validés[7]. L’ANSES qui était jusqu’à présent très réservée sur l’impact électromagnétique de la 5G porte plusieurs études sur la cancérogénicité des radiofréquences et étudie la remise en question des valeurs limites d’exposition actuellement en vigueur en France[8].

La 5G impacte également la biodiversité[9]

3.       Conséquences non mentionnées du Gigabit Infrstructure Act

Le Gigabit Infrstructure Act franchit un pas important dans le domaine des télécommunications 5G et post 5G en ce qui concerne les facilités octroyées aux opérateurs.

Il n’est pas encore bien perçu par les responsables de l’urbanisme que ce sont maintenant des composants importants mais diffus des zones urbaines qui vont être les objets d’intérêts de diverses entités dépendantes ou indépendantes des opérateurs de télécommunications.

Les bandes de fréquences des télécommunications 5G et post 5G devront composer avec les deux facteurs antinomiques que sont la consommation énergétique et la portée des émissions (PIRE et limite d’exposition)

Ainsi les antennes qui offrent des portées de l’ordre de quelques centaines de mètres aujourd’hui, mais qui diminueront demain, seront abritées par des mobiliers urbains que sont les abris de bus ou les panneaux publicitaires, tout en utilisant les sources d’électricité déjà disponibles ou en nécessitant leurs installations si cela est nécessaire. Les luminaires et lampadaires sont déjà des cibles convoitées.

4.      Conclusion

L’effort déjà réalisé par les Tower Companies vers des édifices urbains ou des sites particuliers en zones rurales et semi rurales, devra se développer vers ces agencements de l’environnement urbain en résolvant l’équation composée du code l’urbanisme, du code de l’environnement, du code général des impôts voire de celui du code de la route[10] alors que l’effort constant des ingénieurs des télécommunications reste celui du meilleur code de modulation de l’impulsion !

[1] câblés car concernant des câbles et des fibres optiques.

[2] https://www.fftelecoms.org/etudes-et-publications/etude-economique-2019-telecoms-premiers-acteurs-numerique/

[3] https://theconversation.com/pourquoi-la-5g-gonflera-notre-consommation-denergie-147492

[4] Un PIRE de 4G LTE 2600 GHz est annoncée à 33,90 dBw alors qu’une PIRE de 5G NT 3500 est annoncée à 48,80 dBw soit une puissance 30 fois plus importante, cette augmentation est compensée partiellement par la spécificité des antennes.

[5] En France TDF qui a installé l’infrastructure nécessaire à la radiodiffusion, à la diffusion des chaines de télévision analogique puis TNT, se charge également d’installer des mâts et pylônes de stations radioélectriques de téléphonie mobile

[6] https://www.bcg.com/publications/2020/digital-landscape-tower-companies

[7] https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/690012/EPRS_STU(2021)690012_FR.pdf

[8] https://icnirp.org/cms/upload/publications/ICNIRPLFgdl.pdf

[9] https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2021/690021/EPRS_STU(2021)690021_FR.pdf

[10] https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F24301

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