Après avoir convaincu la commission d’enquête publique que la ligne existante rénovée pouvait constituer une connexion transfrontalière efficace et de capacité suffisante, le CADE constate aujourd’hui que la Commission européenne valide officiellement cette option.
Voir ici la présentation du communiqué de presse : Diaporama pour réunion publique
Communiqué de presse du CADE :
La Cour européenne des comptes vient de publier un rapport sur huit mégaprojets de transport à dimension transfrontalière cofinancés par l’UE dont le Y basque et sa connexion avec la France vers Bordeaux. Le CADE a été audité par cette instance le 26 mars 2019 à Bordeaux.
La Cour constate des retards considérables dans l’exécution, 13 ans pour le seul Y basque et « étant donné que, du côté français de la frontière, la liaison à grande vitesse reliant Bordeaux à l’Y Basque ne sera même pas planifiée avant 2037, l’entrée en service de ce dernier à sa pleine capacité sera retardée d’au moins 29 ans. »
L’audit dénonce des données relatives au trafic « de qualité médiocre, notamment en raison de prévisions trop optimistes. Les prévisions de trafic n’étaient pas toujours fondées sur des évaluations rigoureuses du marché, et elles ne reposaient pas non plus sur des hypothèses fiables de développement économique. Certaines d’entre elles étaient au contraire très simplistes, les taux de croissance restant constants au fil du temps. » De plus « elles n’étaient pas toujours actualisées et ne faisaient habituellement l’objet d’aucune révision ». Les rédacteurs constatent, comme le CADE, que « les anciennes projections de trafic de fret sont très supérieures aux volumes de trafic actuels ». Ils soulignent que « la Commission n’a pas réalisé ses propres analyses des besoins, indépendamment des évaluations effectuées par les États membres, avant d’engager des cofinancements ».
Dans le cas de l’Y basque et de son prolongement vers la France, ils rappellent que : « les prévisions du trafic et les données sur la viabilité ont été remises en cause à plusieurs reprises par des universitaires du Pays Basque depuis 2004. Même si les documents avaient été rendus publics, les autorités centrales et régionales n’ont pas tenu compte des arguments des universitaires en question et n’y ont pas répondu. » Ce que le CADE a toujours déploré.
Les auteurs analysent la viabilité économique des infrastructures ferroviaires à grande vitesse en s’appuyant sur la référence établie par les universitaires prenant en compte la population résidant dans la zone d’attraction à 60 minutes du tracé des lignes soit 9 millions de personnes. Pour la ligne Bordeaux-Vitoria la population est de de 6,8 millions d’habitants. «Insuffisante pour assurer la viabilité à long terme » conclut le rapport.
Les auditeurs jugent sans complaisance l’analyse coûts-avantages : « Nous avons établi que les analyses coûts-avantages n’avaient été utilisées correctement comme outil de prise de décision pour aucune d’entre elles » et regrettent que « la Commission n’a pas exigé de prévisions communes du trafic au niveau des infrastructures de transport phares prises chacune dans son ensemble. En outre, elle ne collecte pas en permanence des données sur le trafic. Elle n’a effectué sa propre analyse approfondie des hypothèses du promoteur du projet, indépendamment des évaluations des États membres ».
Le rapport est sévère à l’égard de la Commission qui « n’a évalué de façon critique ni la viabilité à long terme des infrastructures de transport phares, ni leurs coûts ». Les coûts initiaux « qui ont représenté un facteur de poids dans les décisions de lancement de la construction » sont largement dépassés : 47 % pour les huit infrastructures, 39% pour le Y basque et sa connexion avec la France.
La Cour des comptes recommande, entre autre, à la Commission Européenne de « Réclamer une meilleure analyse avant de décider d’octroyer un cofinancement de l’UE à des mégaprojets. »
Les réponses de la Commission à ce rapport ont retenu l’attention du CADE particulièrement sur la liaison transfrontalière Vitoria-Dax et son prolongement vers Bordeaux. En voici un extrait :
« Le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (ou GPSO, ligne à grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse et entre Bordeaux et Dax) a de fait été reportée unilatéralement par la France au-delà de 2037. C’est la raison pour laquelle une deuxième meilleure option est en cours de discussion entre la Commission et la France, à savoir la mise à niveau de la ligne existante entre Bordeaux et la frontière, de manière à ce qu’une connexion transfrontalière de plus grande capacité soit effectivement en place d’ici à 2030, composée du Y basque relié à une ligne conventionnelle améliorée entre Bordeaux et la frontière. […] Cela permettra de disposer d’une connexion transfrontalière efficace de capacité suffisante. »
Après avoir convaincu la commission d’enquête publique que la ligne existante rénovée pouvait constituer une connexion transfrontalière efficace et de capacité suffisante, le CADE constate aujourd’hui que la Commission européenne valide officiellement cette option.
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Rapport spécial Cour européenne des comptes : « Infrastructures de transport de l’UE: accélérer la mise en œuvre des mégaprojets pour générer l’effet de réseau dans les délais prévus »
Pour télécharger le rapport : https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=53699
Les huit infrastructures auditées :
1) l’axe Rail Baltica – ligne ferroviaire reliant l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie à la Pologne et permettant d’établir une liaison avec la Finlande (sur le corridor Mer du Nord-Baltique);
2) la liaison Lyon-Turin – ligne ferroviaire transfrontalière reliant la France et l’Italie (sur le corridor méditerranéen);
3) le tunnel de base du Brenner – ligne ferroviaire transfrontalière reliant l’Autriche et l’Italie (sur le corridor Scandinavie-Méditerranée);
4) la liaison fixe du Fehmarn Belt – liaison rail-route entre le Danemark et l’Allemagne (sur le corridor Scandinavie-Méditerranée);
5) l’Y basque et sa connexion avec la France – ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Vitoria en Espagne à Bordeaux en France (sur le corridor Atlantique);
6) la liaison Seine-Escaut – liaison fluviale entre les bassins de la Seine et de l’Escaut appelée à devenir un réseau fluvial s’étendant en Belgique et en France (sur les corridors Mer du Nord-Méditerranée et Atlantique);
7) l’autoroute A1 en Roumanie (sur le corridor Rhin-Danube);
8) la ligne ferroviaire E59 en Pologne et sa connexion aux ports de Szczecin et Świnoujście (sur le corridor Baltique-Adriatique).