accords transatlantiques: faut-il être inquiets pour nos Services publics?

Pour info, des arguments complémentaires en direction des élus des collectivités territoriales dans un article de la Gazette des communes du 29 octobre 2015…Tafta, Ceta : inquiétudes pour les services publics
Connues pour leur approche critique du libre-échange, sept associations et syndicats d’Europe ont rédigé un rapport alertant sur une vague de libéralisation des services publics. L’analyse des chapitres « Services » du Ceta (avec Canada) et du Tafta (avec U.S.) leur fait dire que ces accords pourraient bien « verrouiller la marchandisation des services publics et ôter aux décideurs locaux la capacité de les réglementer ».

Références – Rapport « La grande offensive sur les services publics »

Les traités Tafta  et Ceta menacent-ils les services publics ?Depuis plus de deux ans, cette question agite les collectivités territoriales, leurs élus et leurs agents.
Après plus de six mois à éplucher les versions consolidées, brouillons et autres mémos internes relatifs à ces deux accords à la direction générale du Commerce de la Commission européenne, sept associations et syndicats d’Europe (1) ont rédigé un rapport qui devrait leur donner du grain à moudre.
Ils politisent volontairement un volet très technique – et du même coup, peu visible et peu commenté – des négociations, celui concernant la libéralisation des services publics.
Ce n’est pas la première fois que les opposants tirent le signal d’alarme auprès des associations d’élus et des réseaux de collectivités (CCRE, CGLU), mais ils leur offrent cette fois-ci un argumentaire fouillé, évoquant les impacts locaux des accords de commerce transatlantique.

Des accords d’un nouveau genre

S’il est ratifié par le Parlement européen, le Ceta serait le premier accord de l’UE dont le chapitre « Services publics » adopterait une approche dite en « liste négative ».
Objectif de cette innovation, qualifiée de « risquée » par les auteurs du rapport : assurer une couverture maximale de la question des services par les nouveaux accords de libre-échange. Concrètement, en vertu de ce traité, tous les services publics qui n’auraient pas fait l’objet d’une exclusion préalable pourront être libéralisés.
Cette approche en « liste négative » a toujours été plébiscitée par les multinationales – le groupe de lobbying « Forum européen des services » évoque ainsi « une décision importante dont l’industrie des services peut se féliciter, après des années de plaidoyer » – dans la mesure où elle permet de faire de la libéralisation des services publics, la règle.
Au contraire de la « liste positive » jusqu’ici utilisée, qui fait de l’ouverture à la concurrence une exception, en obligeant d’énumérer tous les services publics que les parties s’engagent à soumettre aux règles de l’accord. Lorsque cette approche structurait encore les accords commerciaux européens, les services publics qui n’étaient pas dûment mentionnés étaient exclus d’office et donc protégés de toute perspective de libéralisation.

Visions différentes entre les eurodéputés et la Commission

Rien de surprenant, donc, à ce que les opposants au Tafta préfèrent voir s’appliquer une « liste positive » aux négociations entre l’Union européenne et les Etats-Unis.
Sous l’impulsion de la présidente de l’AITEC, Amélie Canonne, ils ont d’ailleurs, eux aussi, influencé les eurodéputés membres de la commission Commerce international (INTA). Avec succès : le texte de résolution sur le TAFTA adopté l’été dernier par le Parlement européen appelle ainsi à « une exception adéquate pour les services sensibles, permettant aux autorités locales et nationales de conserver la marge de manœuvre suffisante pour légiférer dans l’intérêt général. »
Si les eurodéputés étaient écoutés, les services publics et prestations afférentes liées à l’eau, l’éducation, la santé et la sécurité sociale seraient donc exclus d’un éventuel accord. Problème, selon Amélie Canonne, « la Commission européenne n’est pas vraiment sur la même longueur d’ondes que les syndicats, les ONG et les députés européens ».
En vertu du dernier brouillon du Tafta, les négociateurs souhaiteraient plutôt lui appliquer une « liste hybride », approche qui combine les deux stratégies évoquées précédemment. S’il se retrouve en effet structuré par cette dernière approche en date, le Tafta comprendrait alors une « liste négative » relative à la clause du traitement national, mais aussi une « liste positive » en ce qui concerne les règles d’accès au marché (public et privé).
Objectif : avancer dans l’harmonisation des normes européennes et américaines, un chantier qui doit permettre le développement des échanges commerciaux selon les négociateurs.

Une exclusion « partielle et facilement contournable »

A en croire le récit des négociations fait dans le rapport, les groupes de lobbying défendant les intérêts de l’industrie des services ne se seraient pas contentés d’imposer une approche en « liste négative » dans le Ceta, et en « liste hybride » dans le Tafta.
Une fois leurs requêtes acceptées, ils auraient ensuite tenté d’empêcher les négociateurs… d’utiliser l’exclusion sur les services publics, permettant aux Etats membres d’en soumettre un certain nombre à des monopoles publics. Qu’ont fait les promoteurs du libre-échange pour que les opposants se persuadent d’une telle stratégie ?
La réserve que les négociateurs de la Commission européenne auraient introduite, par exemple, sur l’accès aux marchés de l’eau ne s’appliquerait pas aux services d’assainissement et de traitement des eaux usées, mais uniquement à ceux de l’eau potable.
De plus, une collectivité souhaitant réguler son service de l’eau à travers un cahier des charges exigeant, ou projetant de le re-municipaliser, ne serait pas totalement couverte juridiquement : en effet, un opérateur privé estimant que de telles décisions violent ses « attentes légitimes » pourrait très bien faire un recours devant un tribunal d’arbitrage privé, en vertu de la protection des investissements prévue en parallèle par ces accords commerciaux.
Accusant le système d’exclusion d’être « partiel et facilement contournable », les rapporteurs estiment également inéluctable la libéralisation, par exemple, des services publics postaux. Et pour cause : la version du TAFTA de juillet 2015 épouserait « les vœux des grandes entreprises de messagerie et des services de livraison express » en limitant drastiquement les obligations de service universel, à l’image de la garantie d’une livraison quotidienne de courrier dans des zones éloignées, sans coût additionnel.

Des choix politiques figés ?

Le rapport dénonce également les clauses de « statu quo »  et de « cliquet » que les négociateurs envisageraient d’inclure sous la pression de l’industrie des services.
Selon les organisations à l’origine de ce rapport, « ces dispositifs juridiques transformeraient toute expérience dé-régulatrice en obligation permanente et éviteraient de renégocier avec les différents parlements pour soumettre les nouveaux services publics à la concurrence ». Autrement dit : elles figeraient définitivement les choix politiques, «  au mépris de tout gouvernement élu. »
Empêcher les collectivités locales de revenir sur les concessions de service accordées à des entreprises privées « menace la tendance croissante à la re-municipalisation des services de gestion et de distribution de l’eau en France, en Allemagne, mais aussi en Italie, Espagne, Suède ou Hongrie », illustre concrètement Amélie Canonne, également animatrice française du collectif Stop-Tafta.
Ecrit par des opposants à une « dérèglementation généralisée ne profitant qu’aux grandes multinationales », ce rapport donnera certainement de nouveaux arguments aux élus locaux et fonctionnaires sensibilisés au sujet. La libéralisation des services publics devrait être au menu du douzième round des négociations, qui aura lieu à Bruxelles en février 2016.
N’oubliez pas d’interpeler vos collectivités locales à ce sujet: partout en France la résistance s’organise entre citoyens et élus; consultez les sites des Collectifs Stop Tafta. commune-hors-Tafta-panneau

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