plaidoyer pour les zones humides bientôt réduites à la "réserve d'indiens"

IKEATandis que se remblaient petites et grandes zones humides (voir IKEA à Bayonne par exemple – lire sur http://www.mouguerrecadredevie.fr/ametzondo.htm) prenant appui sur le dangereux concept de « compensation », la réflexion progresse concernant les transferts d’eau, barrages, artificialisation des sols et autres inondations non souhaitées…Un peu de lecture sur ce sujet d’actualité et ses enjeux.

Qui inversera la courbe de la disparition des zones humides?

Dans l’indifférence générale, deux tiers des zones humides ont disparu au XXe siècle sous le béton, les remblais, les routes ou les drains agricoles. Et ça continue encore. Notre avidité foncière ne trouve plus que ces zones à se mettre sous la dent, au risque de pénaliser sévèrement le collectif en le privant des mille services qu’elles rendent gratuitement. Mais sauver les zones humides, c’est David contre Goliath.
Les zones humides, des alliées utiles à la collectivité
Je retiendrais deux des mille services gratuits que nous rendent les
zones humides parce qu’ils sont critiques : d’une part, l’épanchement
des crues dans les marais et prairies qui font éponge en bords de cours
d’eau et calment les eaux furieuses avant qu’elles ne s’en prennent à
nos digues, à nos villes ; d’autre part le lent travail d’épuration et
d’infiltration des eaux de pluie dans les marais, les forêts
alluviales pour ensuite remplir les nappes, ces frigos « gratuits » d’eau
fraiche et bonne à boire.
L’enjeu est fort pour les comptes publics : un hectare de terre qu’on
laisse humide fait aussi bien que 10 000 euros investis dans un
barrage-réservoir pour gérer les crues (étude Ecowhat en moyenne vallée
de l’Oise).
Le Grenelle de l’environnement a sonné l’alarme en 2007 et demandé aux
agences de l’eau d’aider à acquérir des zones humides menacées, à la
manière du conservatoire du littoral, et il a fixé l’objectif de 20 000
ha acquis avant 2012. Et ça marche : le virage est pris. Par exemple,
l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a multiplié par 4 depuis 2012
ses engagements financiers pour les zones humides pour atteindre 9,5 M€
en 2014. Ce sont autant de projets de collectivités ou de
conservatoires d’espaces naturels financés, parfois avec les régions et
les départements, qui totalisent 5 000 hectares réhabilités et 12 000
hectares acquis.
Osons remettre en cause nos politiques
Pourtant les zones humides continuent de régresser. Alors, osons
remettre en cause nos politiques : la politique des inventaires,
d’abord, nous occupe depuis trois décennies et on ne pouvait évidemment
pas s’en passer. Mais il est temps de reconnaître que nous en savons
bien assez pour ne pas agir, et que l’heure est venue de passer aux
travaux avant tout. La politique d’acquisition foncière, ensuite,
s’impose là où la pression foncière fait rage, comme sur les littoraux,
mais avouons que l’argent public n’a pas servi que dans les zones les
plus menacées ou les plus utiles.
Si la politique des zones humides ne veut plus demain être confinée sur
quelques sites privilégiés, elle doit absolument trouver un nouveau
deal, franc et sincère, avec l’urbanisme et l’agriculture. Elle doit
davantage travailler dans le cadre de la propriété privée, régime le
plus fréquent et s’orienter vers le soutien de pratiques agricoles ou
forestières adaptées à leur maintien.
La séquence « éviter, réduire, compenser », enfin, est aussi belle
intellectuellement qu’elle est mal mise en œuvre. Le 3e choix, celui de
la compensation, devient trop souvent le premier. Pour une raison simple
: les comités de bassin ont eu beau fixer le taux de la compensation à 2
ha réhabilités pour 1 détruit dans les schémas d’aménagement et de
gestion des eaux, ce bel effet dissuasif ne résiste pas au faible prix
et la disponibilité du foncier des zones humides qui nourrit les
convoitises. La future loi sur la biodiversité rendrait un grand
service si elle créait des servitudes environnementales, bien
indemnisées.
Élus, gestionnaires des territoires, aménageurs, saisissez-vous des
zones humides !
La vérité, c’est que renverser la courbe de destruction des zones
humides exige le courage de changer nos politiques. Je connais un
exemple prometteur, sur le territoire du lac du Bourget. Un « plan
d’action en faveur des zones humides » a été monté en 2012 par le
syndicat du lac du Bourget. Il préserve les zones les plus
exceptionnelles des agglomérations de Chambéry et d’Aix-les-Bains, et se
rend crédible avec cet engagement de renoncement pris par l’urbanisme.
Il liste tout un programme de travaux de restauration sur ces zones et
engage les fonds des collectivités, en faisant levier sur les
subventions de l’agence de l’eau. C’est la mesure clef qui fait que ce
plan aura un bilan final favorable sur les zones humides. Il concède
aussi à l’urbanisme la possibilité de détruire des zones humides et
oblige que les compensations viennent accélérer la mise en œuvre des
travaux de réhabilitation des zones prioritaires.
La clef est là : commençons par lister partout des travaux utiles de
réhabilitation des zones humides. Élus, gestionnaires des territoires,
aménageurs, saisissez-vous des zones humides ! L’heure est aux travaux,
en masse, de réhabilitation sur vos territoires. Par exemple, retirer
les remblais, rouvrir les arrivées d’eau dans ces zones, fermer les
drains…
Aujourd’hui, de tels projets émergent. Si on devait trop tarder, le
changement climatique se chargera de nous rappeler à nos devoirs, parce
que les zones humides seront le refuge vital pour la biodiversité, nos
châteaux d’eau face aux canicules et aux sécheresses et la meilleure des
solutions pour réalimenter les nappes en eau.
Commençons donc aujourd’hui.
En savoir
plus sur
http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-124171-qui-renversera-la-courbe-de-la-disparition-des-zones-humides-1094856.php?s8Rvm41168Jw64Tw.99
 

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