Grands Projets Inutiles et Imposés – Le CADE a signé avec d’autres associations cette lettre– « Le 14 mars 2015, il y a un an déjà, nos mouvements citoyens étaient auditionnés par la commission spécialisée du Conseil National de la Transition Écologique. Dans le cadre de cette réflexion engagée par le Président de la République et vous-même autour de la démocratie participative, nous avons rédigé et présenté une plateforme commune dans laquelle nous avons montré un certain nombre de défauts structurels des processus de débat public. Nous avons aussi été force de proposition en suggérant une vingtaine de mesures capables de redonner confiance au public dans la loyauté de la concertation. Un an après, nous constatons que rien n’a changé, hélas :
Selon le ministre des transports, les projets de lignes à Grande Vitesse Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse seraient prochainement déclarés d’utilité publique, malgré l’avis négatif de la commission d’enquête.
Dans le dossier révélateur de Notre Dame des Landes, le Président de la République vient d’annoncer un « référendum » alors que le dossier de base n’est qu’un tissu opaque de manipulations et de calculs erronés.
Dans celui du Lyon-Turin, le Conseil d’Etat a rejeté la demande d’annulation de la déclaration d’utilité publique et l’on découvre que dès 2007 le même Conseil d’Etat avait considéré que « l’utilité publique devait être regardée comme présumée« .
Dans le dossier EuropaCity sur le Triangle de Gonesse (Val d’Oise), sans attendre le débat public qui a commencé le 17 mars et va durer jusqu’au 30 juin, le Premier Ministre et tout récemment le Ministre de l’Économie de même que le Préfet de la région Ile-de-France et le Préfet du Val d’Oise ont multiplié les déclarations de soutien au très contesté projet du Groupe Auchan, affaiblissant du même coup la fonction de la CNDP et renforçant auprès de nos concitoyennes et concitoyens l’idée que le débat public ne sert à rien et que tout est décidé d’avance.
La « modernisation du débat public » semble donc se résumer à la prise par le gouvernement d’ordonnances qui l’arrangent, un comble quand on parle démocratie participative ! De nos propositions, rien n’a vraiment été retenu. De notre analyse, aucune leçon n’a visiblement été tirée.
Nous continuons par ailleurs à constater jour après jour, que les textes existants sont méconnus ou non respectés par les services de l’État, les maîtres d’ouvrage et les élus.
Par exemple, en ce qui concerne les infrastructures de transports, de nombreuses procédures d’évaluations ex-ante et ex-post sont prévues et ce depuis longtemps. La Loi d’Organisation des Transports Intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 précise les notions essentielles qui doivent être respectées tant dans le cadre des évaluations que de la participation du public. Cette Loi, codifiée dans le Code des Transports en 2010, si elle était correctement appliquée, permettrait depuis longtemps d’évaluer plus correctement les projets et de favoriser la participation du public.
A l’ instruction-cadre de Robien de 2004 mise à jour en 2005 succède désormais celle du 16 juin 2014, signée par M.Cuvillier. La Direction Générale des Infrastructures des Transports et de la Mer y a associé une note technique dans laquelle est confirmé le principe d’évaluations ex-post dont cette dernière est d’ailleurs chargée.
Or, nous avons découvert qu’en méconnaissance de la loi dans les dossiers de l’autoroute A65 Pau-Langon et de la Ligne Grande Vitesse Perpignan-Figueras, les évaluations n’ont pas été publiées alors que les mises en service ont eu lieu depuis plus de cinq années (7 ans pour Perpignan-Figueras mise en service en février 2009 selon le site du ministère de l’écologie http://www.developpement-durable.gouv.fr/Presentation-de-la-ligne.html). Serait-ce dû à la faillite de TP Ferro (bénéficiaire du PPP Perpignan-Figueras) ou parce que les résultats sont très éloignés de ce qui avait été présenté au public pour l’A65 ? Ou encore certains cherchent-ils une nouvelle fois à refuser l’accès aux informations sur l’intérêt public et les intérêts privés ?
Ainsi malgré ces textes de lois ou de directives qui semblent clairs en matière de participation du public dès l’origine des projets, d’évaluation socio-économique, d’arbitrage entre nouveaux projets et utilisation des installations existantes, d’analyse des alternatives et d’évaluation ex-post, les projets continuent à être imposés parce qu’ils ont déjà été décidés.
De la même manière, malgré des textes extrêmement clairs aux niveaux national et européen, force est de constater que les conflits d’intérêts ne sont pas déclarés et l’on découvre des omissions dans les déclarations obligatoires à la Haute Autorité de la Transparence de la Vie Publique (HATVP).
Madame la Ministre vous comprendrez notre immense déception. Nous avons participé loyalement au travail, nous avons accueilli avec optimisme vos propos lors du colloque organisé en mai 2015 puisque vous y parliez avec force des nécessaires modifications de comportement de l’administration. Nous avons espéré. Un an plus tard, nous avons l’impression que tout cela n’est qu’une « mascarade ».
Pouvez-vous et voulez-vous faire respecter les textes existants et sanctionner ceux qui dans les services placés sous votre autorité, n’ont pas publié les évaluations ex-post d’infrastructures déficitaires, ce qui permettrait peut-être d’éviter d’autres errements ?
Pouvez-vous et voulez-vous prendre des mesures pour que les conflits d’intérêts soient correctement déclarés à la HATVP et même donner des instructions pour que les services de l’État ne siègent pas dans une fondation d’entreprises vouée au lobbying des Partenariats Public/Privé : l’Institut de la Gestion Déléguée (IGD) présidée par un haut fonctionnaire qui confie des marchés publics à des entreprises qui l’ont élu président.
Madame la Ministre, comment la défiance du public ne serait-elle pas à la hauteur de ces pratiques anormales dans une véritable démocratie. Au moment où le CNTE va émettre un avis sur le projet de consultation des seuls électeurs de Loire-Atlantique, alors que les finances de l’État et des régions Bretagne-Pays de Loire seraient engagées pour l’éventuel transfert de l’aéroport de Nantes, nous tenons à vous réaffirmer notre conviction que la responsabilité des situations de conflits n’est pas de notre fait, mais bien de ceux qui ne respectent pas les textes et les droits de la République. Nous vous assurons donc que nous poursuivrons nos actions pour que les projets inutiles ne voient pas le jour, quelle que soit la répression qui nous est opposée. «