[Rezo-actu] – Doris Buttignol, cinéaste :
« Le cynisme des pétroliers sur le gaz de schiste ».
(Source : http://www.midilibre.fr/2014/04/01/le-cynisme-des-petroliers-sur-le-gaz-de-schiste,843096.php)
Propos recueillis par ARNAUD BOUCOMONT 02/04/2014
Doris Buttignol s’apprête à sillonner la France pour des projections-débats. (© D.R) .
Dans le documentaire, « No gazaran », la réalisatrice Doris Buttignol appelle à s’interroger « sur le devoir de désobéissance civile » concernant l’exploitation des gaz des schistes…
Doris Buttignol et Carole Menduni ont réalisé un film, No gazaran, en clin d’œil au slogan des anti-gaz de schiste. À l’écran, outre la Pennsylvanie et la Seine-et-Marne, figurent en bonne place l’Ardèche, la région alésienne et un certain José Bové. Le documentaire, qui sort au cinéma aujourd’hui, est un plaidoyer contre la fracturation hydraulique. Rencontre avec Doris Buttignol.
Comment est né votre film ?
Nous habitons toutes les deux sur un territoire, la Drôme, concerné par les permis d’exploration du gaz de schiste. Nous avons assisté à des réunions publiques et vu les problèmes que cela soulevait. Nous avons été frappées par l’opacité sur la question, avec des permis délivrés sans consultation des élus et des habitants. On a tourné pendant plus de deux ans en s’autofinançant. C’est un sujet rédhibitoire pour les financeurs.
Le point de vue des pétroliers apparaît très peu dans votre film…
On serait reçu, puis non. De toute façon, on aurait obtenu le story telling officiel, l’affirmation que c’est le nouvel or noir, que ça va sauver le monde. Ces gens-là n’ont pas besoin de nous pour communiquer. Ils ont des budgets et des tribunes énormes. On a étudié le dossier sur des faits. Et on n’a trouvé aucun argument en faveur du gaz de schiste.
Le fait que vous soyez deux femmes et le mode choisi – le recueil de témoignages – donne à l’ensemble un petit côté “Érin Brockovich”, du nom du film de Steven Soderbergh. Que pensez-vous du rapprochement ?
On nous a parlé des ponts avec le documentaire « Tous au Larzac ». Mais pas d’Érin Brockovich. Il y a un vrai lien en tout cas : André Picot, un toxico-chimiste qui parle dans le film, cite le chrome hexavalent, présent à la sortie des puits, une fois transformé par réaction chimique à partir du chrome utilisé au départ comme anti-corrosif. C’est un produit hautement cancérigène. Il était déjà incriminé dans l’affaire Brockovich (une histoire vraie adaptée sur grand écran, le combat d’une assistante d’avocat contre un industriel de l’énergie, NDLR). Beaucoup de femmes en tout cas se sentent concernées, peut-être parce que ça touche à l’eau et aux ressources profondes. Je pense que les femmes sont sensibles à ça.
Que retenez-vous de vos rencontres avec les habitants ?
Interroger sur le devoir de désobéissance civile. On voulait questionner le dysfonctionnement démocratique sur des engagements lourds, pour nous et nos enfants. La chercheuse américaine Théo Colborn, une Erin Brockovich puissance 10, a prouvé qu’on retrouve énormément de perturbateurs endocriniens qui vont agir sur les générations qui suivent. C’est ce cynisme que je trouve très grave. Les pétroliers jouent sur le temps. C’est la limite de l’inacceptable. Pratiquer la fracturation, c’est un jeu de dominos. Villeneuve-de-Berg (une des villes à l’origine de la résistance citoyenne contre les gaz de schiste, NDLR), c’est à 30 km à vol d’oiseau de la centrale nucléaire de Cruas. Et c’est pareil pour le couloir rhodanien, le plus nucléarisé du monde.
On peut vous taxer d’agiter les peurs, comme un député européen le reproche aux anti-gaz de schiste dans votre film…
Notre démarche s’est toujours faite autour de l’information. J’espère que ce n’est pas perçu comme un film catastrophe. On ne fait pas de catastrophisme. On ne montre pas de paysages dévastés. On incite les gens à s’informer et à prendre une position qui repose sur du factuel.
ET AUSSI…
Du côté polonais :
après « La malédiction du gaz de schiste », diffusé l’an dernier sur Arte, un nouveau film du réalisateur Lech Kowalski est sorti cette fois-ci en salles le 26 mars : « Holy field holy war » est consacré à la résistance des paysans polonais de Zurawlow contre le projet de forage de la multinationale Chevron pour l’exploitation du gaz de schiste.