Il est toujours étonnant de constater comment des élus de la République Française sont « innovants » lorsqu’il s’agit d’utiliser les finances publiques basées principalement sur l’impôt pour recommander le développement de projets inutiles
Monsieur Emmanuelli nous en donne une parfaite illustration en ce qui concerne sa vision du financement possible d’une LGV. « Il y a des contraintes financières, certes, mais rien n’interdit d’être innovant. Pourquoi ne pas attirer des fonds souverains, de Chine, du Qatar ou de Singapour ? Ils pourraient être intéressés par des investissements de long terme rentables » affirme-t-il dans le journal Sud-Ouest du 15 juillet dernier.
Plusieurs remarques sont à faire concernant de pareilles déclarations.
Nous savons que depuis le 3 janvier 1973, l’article 25 de la loi portant sur la réforme des statuts de la Banque de France lui interdit de faire crédit à l’État, condamnant la France à se tourner vers des banques privées et à payer des intérêts. C’est la raison pour laquelle tout investissement important de l’état français nécessitant un emprunt lui impose de recourir à des prêts auprès de banques privées et cela est maintenant le cas pour toute collectivité territoriale, commune comprise. La France, partie intégrante de la Communauté européenne, c’est vers des banques privées européennes qu’elle s’adresse pour recourir à un emprunt.
Quand donc Monsieur Emmanuelli mentionne spécifiquement des fonds non européens tout en ayant reconnu dans son intervention que la LGV Bordeaux Espagne fait partie des projets du réseau européen de transport, c’est qu’il sait certainement que les financements européens actuels ne peuvent accepter un tel investissement, sinon il appuierait certainement les affirmations de Monsieur Rousset qui, affirmait, il y a quelques semaines que des investissements européens seraient disponibles pour ce projet.
Par ailleurs n’omettons pas que les financements européens ne peuvent couvrir la totalité des investissements réalisés dans un cadre national : c’est d’ailleurs ainsi que l’Europe n’a financé que 50% du budget des études faites par RFF dans le cadre de ce projet.
Au titre d’une seconde remarque il est intéressant de constater que Monsieur Emmanuelli est catégorique sur la possibilité de lever des fonds souverains étrangers. Etre aussi catégorique c’est être habitué à de tels mécanismes et quand il s’agit d’une personnalité politique de l’envergure de Monsieur Emmanuelli c’est constater que la défense des biens nationaux que demandera en échange tout fonds de pension étranger n’est pas au centre de ses soucis. Il ne partage pas l’avis de Monsieur Bianco qui dans son rapport d’avril 2013 rappelait que « Le système ferroviaire français est le patrimoine de la Nation ».
Comme Monsieur Emmanuelli est, semble-t-il, un des membres importants de la Banque Publique d’Investissement, BPI, et en élargissant d’une manière certes osée la remarque précédente à tous les prêts qui seront consentis par la BPI on peut être soucieux quant à la pérennité nationale des développements qui seront adossés à ces prêts.
Au titre de la troisième remarque il faut noter que Monsieur Emmanuelli affirme dans son interview du même journal qu’un investissement de type LGV est rentable. A ce titre il apporte une contribution remarquable au chapitre de la grande vitesse dont des responsables éminents de SNCF et RFF, mais également Messieurs les rapporteurs Bianco et Auxiette ont reconnu que la grande vitesse avait creusé la dette de RFF et SNCF. Une des raisons pour lesquelles la Commission Mobilité 21 au chapitre ferroviaire a recommandé en priorité la rénovation des voies existantes, est la mauvaise rentabilité de la grande vitesse et a démontré que le retour à un bilan raisonnable du ferroviaire passait par le développement d’un maillage plus important des liaisons régionales et par la création d’une offre inter régionale à une vitesse inférieure à celle d’un TGV.
Mais il faut certainement comprendre que cette prétendue rentabilité est uniquement destinée à convaincre les fonds souverains étrangers à venir prendre de plus en plus pied en France.
M. Lavictoire
Membre du CADE