EAU et nanoparticules: un risque émergent

LA GAZETTE DES COMMUNES – Les nanoparticules, un risque émergent pour l’eau et les milieux aquatiques – Publié le 13/06/2017 | Mis à jour le 14/06/2017

Depuis plusieurs années, la recherche des substances dangereuses dans l’eau a connu une montée en puissance des connaissances, des méthodes d’analyse et de la réglementation européenne. Mais la famille des nanoparticules pose encore question, car on maîtrise mal les effets et leur détection.
La notion de « risque émergent » est assez récente. Elle est contemporaine des débats et des échanges qui ont eu lieu depuis le Grenelle de l’environnement. Par définition, le risque émergent est celui dont on connaît mal les effets sur les milieux et la santé, et dont on a souvent des difficultés pour le repérer et l’analyser. Mais ce principe fait toujours débat, et son application concrète n’est jamais simple. C’est parmi ces risques émergents que l’on trouve la famille des nanoparticules manufacturées. Elles ont la taille de l’ordre du milliardième de mètre. Pour l’Union européenne, elles sont reconnues comme ayant au minimum une dimension dans la gamme 1-100 nanomètre – nm (1). Si elles font débat, c’est parce que leur utilisation a considérablement augmenté ces dix dernières années.
L’eau potable et les eaux usées concernées

En effet, elles sont parfois dotées de propriétés nouvelles et/ou de propriétés aux effets démultipliés (par dix et plus) par rapport aux matériaux ordinaires. De ce fait, leur intérêt apparaît de plus en plus important dans de nombreux domaines avec un marché qui est estimé à 3 000 milliards de dollars en 2020. Leurs applications concernent de nombreux domaines : par exemple, l’environnement (catalyses, filtres, amélioration de performances énergétiques, nanotubes de carbone pour stocker l’hydrogène, etc.), les textiles (meilleures qualités mécaniques, éléments communicants, etc.), les cosmétiques, la santé (diagnostic, lutte contre les cellules cancéreuses, etc.), l’automobile (réduction du poids) et même le traitement de l’eau potable.
Au cours du traitement de l’eau, des nanoparticules manufacturées sont ainsi utilisées pour des coagulants et absorbants innovants (avec des sels de fer et d’aluminium par exemple), pour obtenir des membranes céramiques nanostructurées, des membranes réactives catalytiques (avec du TiO2 – dioxyde de titane et du Fe3O4 – tétroxyde de trifer), des nanoparticules de métal (oxyde de fer, d’or ou d’argent) pour l’adsorption.
Par ailleurs, le devenir de ces nanoparticules dans les procédés de traitement des eaux usées est encore mal connu, sachant que la taille nanométrique des particules peut être modifiée en fonction du temps de séjour et dépend de nombreux facteurs variables selon les process physiques, chimiques et biologiques utilisés.
Effets potentiellement néfastes sur la santé
En définitive, quel que soit le domaine d’utilisation, les nanoparticules se retrouvent dans le milieu naturel et « peuvent » présenter un risque sanitaire potentiel pour la santé. A titre d’exemple, certains cosmétiques et crèmes solaires utilisées sous la douche et les bains par le grand public rejettent des nanoparticules de TiO2. Des particules de TiO2 sont aussi rejetées suite à l’usure de certains ciments, ces nanoparticules étant entraînées par l’eau de pluie. Le lavage de certains textiles traités (en particulier des chaussettes) rejette quant à lui des nanoparticules d’argent. Leur présence dans les aliments ou dans l’eau du robinet impacte de fait les êtres humains, sans que l’on connaisse véritablement les effets à moyen et long terme.
Deux enjeux essentiels se présentent actuellement pour ces nanoparticules, mais aussi pour tous les micropolluants en général : d’une part, l’évaluation des impacts et des risques (sachant que se pose la question des interactions entre les différents micropolluants) et, d’autre part, rechercher et mesurer leur présence dans les produits de consommation, dans le milieu naturel ou dans l’eau de consommation. Le corollaire à cette cette recherche d’outils analytiques, c’est de pouvoir mesurer les effets des procédés de traitement, notamment ceux de l’eau potable ou ceux des eaux usées pour les éliminer. Tous ces résultats et ces progrès alimentent et vont alimenter l’évolution de la réglementation européenne, et en conséquence celle de la France.
Quels efficacité des traitements de l’eau ?
L’ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a récemment présenté deux études scientifiques pour répondre à cette problématique.
Pour la première, la plus importante pour les services publics de l’eau (Donovan et al.), il s’agissait d’évaluer l’efficacité des procédés dits « classiques » de traitement de l’eau potable pour éliminer les dioxydes de titane, d’argent et d’or. Les procédés reproduits en laboratoire par cette équipe de chercheurs sont l’adoucissement à la chaux (diminution de la dureté), la coagulation à l’alun (par libération des hydroxydes d’aluminium), l’adsorption sur charbon actif, la filtration puis désinfection à l’hypochlorite de sodium. La technique de comptage a permis de mesurer la concentration, le nombre de nanoparticules et leur dispersion en taille (avec les limites de détection variant de 21 à 70 nm).
Premier constat : une agrégation (donc augmentation de la taille des nanoparticules) se produit seulement pour le titane. Mais ce sont les recherches sur les traitements qui s’avèrent les plus intéressantes. Elles montrent que le traitement par adoucissement à la chaux est le plus efficace puisque la majorité des 3 types de nanoparticules sont éliminées. Celles qui demeurent (une partie des dioxydes de titane et d’argent) sont ensuite en partie éliminées dans la phase de coagulation à l’alun suivie de l’adsorption sur charbon actif . A contrario, la filtration et la désinfection n’ont pas d’effet … du moins observables avec les limites des outils d’analyse actuels.
Nécessité d’approfondir les recherches scientifiques
Les résultats sont donc encourageants et prometteurs mais, comme tout travail de recherche, ils ouvrent de nouvelles interrogations sur l’interprétation des processus physico-chimiques impliqués. (2). En conclusion, l’Anses indique que « ces perspectives ouvrent la voie à d’autres recherches sur la compréhension de l’efficacité et des limites de chaque processus de traitement conventionnel de l’eau, ce qui permettra d’élaborer à chaque étape de traitement une détection efficace sur un spectre large de nanoparticules , tel que requis par l’UE ». Il reste donc à comprendre les processus physico-chimiques à chaque étape du procédé, afin de maîtriser le traitement d’une très large gamme de nanoparticules.
Enfin, la seconde étude présentée (Barahona et al.) s’est attachée à détecter et à caractériser la présence de nanoparticules de silice amorphe synthétique contenues des additifs alimentaires. S’il s’agissait ici de tester différentes méthodes d’analyses qui ont déjà été été étudiées par le passé, cette nouvelle étude a le mérite de montrer qu’il est nécessaire d’utiliser plusieurs techniques pour révéler la présence des nanoparticules dans des matériaux complexes. En particulier, elle montre que l’analyse est fiable lorsque l’on détecte leur présence, mais qu’à l’inverse l’absence de détection n’équivaut pas forcément à une absence de ces particules ! Et l’Anses de conclure : « les investigations pour déterminer si un échantillon doit être classé comme « nanomatériau » ou pas, au regard de la définition de l’UE peuvent aujourd’hui difficilement être réalisées [via une procédure, NDLR] de routine ». Les outils d’analyse et de détection vont donc devoir évoluer si on veut que la réglementation dans ce domaine progresse elle aussi.
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Notes

-note 01

source : Commission recommendation of 18 October 2011 on the definition of nanomaterial (2011/696/EU) – Official Journal of European Commission 2011;L 275:38-40
-note 02
L’hypothèse est que le processus est sans doute une co-précipitation des nanoparticules avec les carbonates, mais ceci mériterait un approfondissement

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