GPII / LGV – indignation des Opposants

capture-oltVoici le communiqué de nos amis contre les GPII, opposants au Lyon / Turin: opposants-lyonturin-communique20161222

Côté italien, la ville de Turin a annoncé qu’elle ne participera pas au financement de la LGV Lyon-Turin. C’était un engagement de la candidate du Mouvement 5 Etoiles à l’élection municipale. Elle a été élue maire en partie grâce à cet engagement…En Italie, tous les gouvernements qui se sont succédé et tous les partis à l’exception du Mouvement 5 étoiles et de l’extrême droite sont partisans de la LGV Lyon-Turin. L’extrême droite, très forte dans le nord du pays a, comme chez nous, un discours qui ne se traduit par aucune action concrète: elle se dit opposée à la LGV Lyon-Turin mais elle ne fait rien contre. Côté français, tombe une décision sans débat -extrait du site Assemblée Nationale « Accord avec l’Italie sur la ligne ferroviaire Lyon-Turin(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.) (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) »
lire aussi l’article documenté suivant incluant le point de vue des opposants : Lyon-Turin: les députés votent 8 milliards d’euros de travaux en dix secondes Article du 22 décembre 2016 Par Jade Lindgaard – Des cascades d’intérêts croisés, un gouvernement en pleine contradiction, près de dix milliards d’euros en jeu alors que ces financements ne sont pas acquis… Et pourtant, l’Assemblée nationale a adopté jeudi l’engagement des travaux définitifs du tunnel ferroviaire Lyon-Turin. Sans débat.
Alors que la précampagne présidentielle accentue les clivages entre les camps et les courants politiques, c’est l’un des rares sujets à faire consensus au gouvernement, chez la plupart des socialistes et, à droite, du juppéiste Hervé Gaymard au filloniste Thierry Mariani : la construction du tunnel ferroviaire Lyon-Turin entre la France et l’Italie. Jeudi 22 décembre, les députés ont voté l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne. Un vote sans débat, à deux jours des fêtes de Noël, dans un hémicycle vide ou presque. Plus de 8 milliards d’euros votés en dix secondes. Mais un vote salué par quelques applaudissements. « Voilà de quoi alimenter la colère et la défiance des contribuables et des électeurs de ce pays, a réagi la Coordination des opposants au Lyon-Turin. Cette mascarade s’inscrit dans une longue liste des méthodes et manoeuvres qui font honte aux règles de la République ».
Initié dans les années 1990, acté par un premier accord en 2001, le projet de ligne Lyon-Turin doit s’étendre sur 57 km, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Susa Bussoleno en Italie, par un tunnel creusé à travers le massif alpin. Après le traumatisme du vote britannique pour le Brexit, le chantier relance le projet européen, explique Manuel Valls, alors premier ministre, en juillet lors de l’inauguration du tunnelier : « Ce tunnel nous parle d’Europe, une Europe par la preuve. »
Lors de l’examen du projet de loi par la commission des affaires étrangères, les députés s’enthousiasment, à l’exception des deux écologistes Cécile Duflot et Noël Mamère. Pour Michel Destot, élu PS de l’Isère, rapporteur du projet de loi et défenseur de longue date de ce projet d’équipement, « compte tenu des avantages économiques et environnementaux de ce projet, compte tenu de son importance pour le maillage de l’Europe », il faut voter le texte. Pour le socialiste Philippe Baumel, « il est un élément clé pour une relance que nous attendons tous, celle d’une politique de grands travaux ».
Pour le Républicain Philippe Cochet (Rhône), c’est tout de même plus important que « la protection des crapauds à poil dur ». Pour Jacques Myard, l’ami de la Manif pour tous, « le pays des Allobroges et des Ségusiaves va être relié à la Gallia Cisalpina. Hannibal aurait pu passer par là ». Pour François Loncle (PS), c’est tout simplement « un grand projet pour la France ».

  • Des certificateurs pas si indépendants

Aucun parlementaire, pas même ceux d’opposition, n’a relevé la contradiction dans laquelle est tombé le gouvernement. En 2012, Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, écrit dans une lettre à la Cour des comptes qu’il « sera nécessaire que les coûts soient certifiés de la manière la plus rigoureuse qui soit, de manière indépendante avant la réalisation de l’ouvrage ». Cette lettre de Matignon répond à un référé de la Cour sévère pour le projet de ligne, très coûteux puisque estimé à 26,1 milliards d’euros en tout – en comptant les accès au tunnel des deux côtés de la frontière.
Pour le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, « il conviendra que cette indispensable certification soit réalisée par des experts n’ayant pas eu à travailler sur le dossier et n’ayant pas de conflit d’intérêts au regard des suites du projet ». Quatre ans plus tard, le même Jean-Marc Ayrault devenu ministre des affaires étrangères signe le projet de loi autorisant le démarrage des travaux du Lyon-Turin, puisqu’il s’agit d’un accord international. Entretemps, les comptes ont bien été certifiés. Mais par deux sociétés qui ont des liens avérés et publics avec le Lyon-Turin.
En 2014, le marché de certification des coûts est attribué au groupement Tractebel Engineering-TUC Rail, pour un montant de 350 000 euros. Premier problème : Tractebel, filiale du groupe Engie (ex-GDF Suez), a déjà travaillé pour le Lyon-Turin : de 2002 à 2006 et de 2009 à 2013. Sur son site, l’entreprise écrit « avoir mené plusieurs études d’ingénierie pour la section internationale de la ligne centrale » et ajoute avoir été « impliquée dans les études pour le développement technique, la sécurité et l’exploitation » ainsi que « l’étude d’exploitation des services de la ligne ferroviaire » et « les études fonctionnelles pour l’exploitation, la maintenance et les études techniques des équipements ferroviaires et non ferroviaires ».
Par ailleurs, Engie, maison mère de Tractebel Engineering, siège au conseil d’administration d’une fondation d’entreprise, l’Institut de la gestion déléguée (IGD), présidée par un haut fonctionnaire, Hubert du Mesnil, lui-même président de Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), le promoteur public du Lyon-Turin. Dans l’organigramme de l’IGD, le groupe énergéticien figure dans la liste des membres fondateurs, où il est représenté depuis le 1er janvier 2016 par sa directrice générale adjointe, Sandra Lagumina.
De son côté TUC Rail voit son conseil d’administration dirigé par Luc Lallemand, un homme que connaît bien le président de la société du Lyon-Turin car il fut vice-président de European Rail Infrastructure Managers (EIM), une ONG basée à Bruxelles, quand Hubert du Mesnil la présidait. Il est aussi un ancien administrateur de RFF – qu’a présidé le même du Mesnil –, groupe actionnaire à 50 % de Lyon Turin Ferroviaire, promoteur du Lyon-Turin avant la création de TELT.
Manuel Valls lors de l’inauguration du tunnelier du Lyon-Turin, le 22 juillet 2016 (DR).

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Sollicité par Mediapart, le ministère des affaires étrangères répond que c’est « par le pur hasard des nominations » que Jean-Marc Ayrault se retrouve à signer le projet de loi dont il avait quatre ans plus tôt commenté les conditions de pertinence financière, et qu’il le présente aujourd’hui au nom de « la continuité de l’État ». Surtout, il renvoie vers le secrétariat d’État aux transports.
Pour les services d’Alain Vidalies, « la certification des coûts de la section transfrontalière du projet Lyon-Turin constitue une étape importante pour la crédibilité et la fiabilité des études et des estimations réalisées avec sérieux par LTF SAS ». Plus précisément, ils reviennent sur l’avis de marché publié par Lyon Turin Ferroviaire (LTF) en 2014, relatif à la certification des coûts : « Le candidat ne doit pas avoir effectué de prestations d’études utiles pour définir les coûts du projet, pour le compte de LTF ou l’un de ses fournisseurs, directement ou dans le cadre d’une sous-traitance au cours des 5 dernières années de manière à assurer l’indépendance de la certification. Il ne devra pas non plus appartenir à un groupe dans lequel figure une société étant intervenue pour LTF dans les conditions définies ci-dessus. »
À leurs yeux, « le groupement Tractebel – Tuc Rail remplit cette exigence ». Et ils ajoutent que « la préparation et la réalisation de cette certification ont été menées de manière transparente et les deux États l’ont jugée suffisamment probante pour fonder leur décision commune sur la base du rapport de synthèse du certificateur, remis au Secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche par TELT SAS le 14 octobre 2015, ainsi qu’à son homologue italien ».
Mais comment évaluer les coûts d’un tel projet sans analyser ses conditions de construction, d’exploitation et de maintenance futures, soit précisément les sujets sur lesquels Tractebel Engineering se vante d’avoir travaillé ? Joint par Mediapart, Michel Destot, rapporteur du projet de loi, répond : « Le problème, c’est : est-ce que les entreprises qui certifient sont agréées ou pas ? Tractebel Engineering et TUC Rail le sont. On n’est pas fous. On regarde les ordres de grandeur. Le coût de la partie transnationale du Lyon-Turin est estimé à 8,3 milliards d’euros, soit un montant de même nature que ce qu’a coûté le tunnel du Gothard qui vient d’ouvrir sur une même longueur et la même durée de chantier. Je n’ai entendu personne de sérieux dire que ce montant est farfelu. »
En réalité, le tunnel du Saint-Gothard, en Suisse, le plus long du monde, a coûté plus de 11 milliards d’euros. Les liens entre le groupe promoteur du Lyon-Turin et ses deux certificateurs sont pourtant avérés ? « C’est un procès d’intention. Vous n’allez pas trouver des gens agréés pour certifier ce genre de projets s’ils ne travaillent pas pour des chantiers de cette nature. Il faut une expertise en génie civile, en ingénierie… », répond Michel Destot.

  • Où est l’argent du Lyon-Turin ?

Toute cette histoire pourrait ne concerner que les experts en subtilités ferroviaires. Mais les sommes en jeu sont énormes : le projet de loi estime le coût des travaux à 8,3 milliards d’euros pour la section transfrontalière du tunnel, qui pourrait monter à 9,6 milliards à terme. En vertu de la clé de répartition entre les deux États traversés, la France doit payer 2,21 milliards d’euros (soit 2,46 actualisés). C’est plus de dix fois le coût de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Or à ce jour, tous les financements ne sont pas réunis. L’Europe doit verser 813,8 millions d’euros aux deux parties. Pour 2017, un prélèvement sur les recettes des tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus devrait rapporter 293 millions d’euros, selon Michel Destot, et doit être versé par l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf) – qui cite le Lyon-Turin, mais sans préciser de somme à verser dans le compte-rendu de son dernier conseil d’administration.
La somme totale « n’est pas prévue en stock », reconnaît Michel Destot. À ses yeux, « le financement est sécurisé par les engagements de l’État » : en juillet, Manuel Valls a engagé la France pour un paiement de 2,2 milliards d’euros pendant une dizaine d’années, soit environ 200 millions d’euros par an. Le budget de l’État ne doit pas être le seul mis à contribution. Les pouvoirs publics comptent notamment sur la création d’un péage de montagne en application de la directive Eurovignette. Mais le règlement européen n’a toujours pas été transcrit en droit français. Bref, le compte n’y est pas.
Schéma du tunnel de base (site de la Transalpine)
Rare député à s’opposer au projet, Bertrand Pancher, élu de la Meuse et vice-président de l’UDI, explique à Mediapart que « ce projet est financièrement démesuré. Ce qui me préoccupe, c’est qu’on a d’autres priorités ferroviaires, comme l’entretien du réseau actuel et le soutien du fret, et qu’on a du mal à les financer. Il faut arrêter ce truc cinglé d’engagement de grands travaux qu’on ne sait jamais comment payer ».
Là encore, le gouvernement se contredit lui-même. Car le traité franco-italien du 4 septembre 2014 prévoit que le financement doit être disponible avant le lancement des travaux : « La disponibilité du financement sera un préalable au lancement des travaux des différentes phases de la partie commune franco-italienne de la section internationale », peut-on lire en son article 16. À ce jour, les 2,2 milliards d’euros promis par la France ne sont pourtant pas disponibles. « En ratifiant l’accord et en engageant le lancement des travaux, on contredit le point qui était un préalable », proteste Cécile Duflot, députée EELV de Paris, lors de l’examen en commission. « C’est le point principal du texte que vous nous présentez : il ne respecte pas les engagements précédents. »
« En tant que promoteur de la section transfrontalière, TELT ne maîtrise pas les questions de financement qui relèvent de la responsabilité des États », nous répond la direction de la communication de TELT. « Le Lyon-Turin sera financé, l’État s’y est engagé, les choses sont claires ! » veut croire Michel Destot, qui se replie derrière la règle de l’annualité budgétaire : impossible de voter en 2016 les dépenses de l’État de 2018 ou 19.
Sur le chantier du Lyon-Turin en 2014 (DR).

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Pour l’opposant au projet Daniel Ibañez, l’absence de financement disponible met le chantier en péril. En avril, le Conseil d’État a annulé la déclaration d’utilité publique des travaux de la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges car le dossier d’enquête préalable « ne contient aucune information précise relative au mode de financement ». En septembre, la LGV Perpignan Figueras a fait faillite et sa société exploitante, une filiale d’Eiffage dans le cadre d’un partenariat public-privé, a été placée en liquidation judiciaire, percluse de dettes après un investissement initial d’1,2 milliard d’euros.
Ce dossier complexe est rendu confus par des cascades d’intérêts croisés. L’Institut de la gestion déléguée (IGD) évoqué plus haut, organisme qui promeut les partenariats public-privé (« the french institute for PPP », indique son logo), présidé par le président de TELT, le promoteur public du Lyon-Turin, a aussi compté parmi ses administrateurs… Michel Destot, le rapporteur du projet de loi autorisant les travaux du tunnel. « Ce n’est pas moi qui y ai siégé, mais mon vice-président quand je présidais l’association des maires des grandes villes de France », nous répond le député, pour qui « il ne faut pas tout mélanger ». En janvier 2011, il inaugure pourtant en personne un Observatoire de la France urbaine en partenariat avec l’IGD « pour mieux mesurer l’action de nos villes en matière d’économie publique ». En octobre 2013, il participe à un colloque de l’IGD sur la gestion déléguée.
Dans sa déclaration d’intérêts et d’activités, il ne mentionne pas sa présence au bureau de l’IGD. Ni dans « les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », ni dans « la participation aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé à la date de l’élection ou lors des cinq dernières années ».

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